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Sur l'astrologie
Le 07/07/2016
Définition de l’astrologie:
c’est l’art de déterminer le caractère et de prévoir le destin des hommes par l’étudedes influences supposées des astres. Autrement dit, les astrologues affirment que la position des astres (en particulier le Soleil, la Lune et les planètes) dans le ciel au moment exact de la naissance d’un individureflète son caractère et permet de prévoir son destin.
Les astrologues ont mis au point des moyens pour étudier et expliquer l’astrologie. Pour résumer et simplifier, ils s’appuient sur les éléments suivants:- Utilisation de diagrammes appelés Horoscopes, qui indiquent la position des corps célestes à un moment donné. L’horoscope est composé d’un cercle appelé écliptique et qui représente, comme en astronomie, le plan selon lequel la Terre tourne autour du Soleil en une année. L’écliptique est divisée en 12 parties appelées signes du zodiaque, et qui représentent les constellations que le Soleil semble traverser en un an. Ces 12 signes ont pour nom : Bélier, Taureau, Gémeaux, Cancer, Lion, Vierge, Balance, Scorpion, Sagittaire, Capricorne, Verseau et Poissons. Chaque planète (y compris la Lune et le Soleil) est affectée à un signe particulier, en fonction de l’endroit où elle apparaît sur l’écliptique. Chaque signe a une signification, et est associé à certains éléments détaillés plus loin (eau-terre-feu-air).
L’horoscope est divisé en 12 « maisons», qui représentent le temps mis par la Terre pour effectuer une rotation sur son axe, c’est-à-dire 24 heures. Les maisons sont des sphères d’influence déterminées selon l’heure de la naissance d’un individu (comme les signes du zodiaque), et elles sont associées à certains domaines de la vie (par exemple l’amour, l’intelligence, le travail…)
L’astrologie fait la synthèse de ces facteurs (position des planètes, maisons, signes du zodiaque, et d’autres détaillés dans la suite), et tente de retrouver des faits passés et de prédire l’avenir.
L’astrologie est une pratique ancienne, abordée par différentes civilisations de façon indépendantes. Comment s’est-elle développée, et quelle place occupait-elle au travers des civilisations qui l’ont pratiquée.
Historique
L’astrologie naît dans la région de Sumer, environ 3 000 ans avant JC. Dans ces régions de basse latitude (Mésopotamie, Egypte), c’est sans doute le besoin de mesurer le temps et de comprendre les phénomènes célestes qui sont à l’origine de ce qui deviendra l’astrologie. La découverte des 5 «astres errants» passionnent les hommes qui, pour expliquer leurs mouvements les associent à des divinités. Les mouvements des planètes sont donc régies par Dieu, d’où le rôle très important de la religion dans l’astrologie. Les planètes portent le nom des dieux grecs, tout est affaire de symbolisme, et devient une prévision événementielle au travers de la volonté divine. Telle est la représentation pour les sumériens, puis les grecs qui ont apporté les bases et le mode de fonctionnement de l’astrologie dont le rôle va évoluer au fil du temps, et dans les populations où elle se développe.
Les babyloniens mettent au point des méthodes telles que les calendriers et les tablettes d’écriture où ils analysent les horoscopes. Naît ainsi l’astrologie individuelle, qui se matérialise, s’individualise et utilise des supports.
A travers les conquêtes d’Alexandre Le Grand et les civilisations qu’il a pénétré, l’astrologie prend un essor considérable et se propage à travers le monde antique. Les techniques sont plus nombreuses. On construit des astrolabes, on élabore des éphémérides, les mesures de la voûte céleste sont plus précises (Hipparque découvre la précession des équinoxes et établit un premier catalogue d’étoiles).
L’astrologie devient populaire, elle évolue en même temps que la science et la religion sur 2 plans : c’est à la fois une prévision des événements politiques (surtout les guerres, ou les prévisions des crues des grands fleuves) et une prévision pour les individus. Cette vision est soutenue par Ptolémée (environ 140 après JC) à travers son ouvrage « Tetrabiblos » qui devient la bible des astronomes de l’époque. Il fait la distinction entre astronomie et astrologie qui jusqu’à présent étaient liés.
Le rôle des planètes, leurs caractéristiques, l’importance de leur position au moment de la naissance. L’astrologie n’atteint pas la même que l’astronomie. Mais on peut « juger les humeurs et les tempéraments des hommes par le moyen de la qualité du ciel». Il existe une influence des astres sur les caractéristiques de l’individu.
A Rome (IIè siècle avant JC), avec la pénétration des civilisations orientales, l’astrologie joue un rôle essentiellement politique. Les astrologues sont présents à la cour et on les consulte pour la prévision des guerres. L’astrologie perd sa qualité déterministe des individus et est donc rejetée. Avec l’entrée du christianisme à Rome, l’astrologie est dissociée de la religion, les astrologues vont être pourchassés, et sont contraints de se réfugier en Perse où ils sont en contact avec d’autres peuples .
Ces derniers apportent leur contribution aux mathématiques, avec l’introduction des chiffres réalisent des calculs des dates des événements célestes à partir de la rotation dela Terre. Ils relient l’astrologie à l’astronomie et l’astrologie devient une divination populaire.
Le moyen âge (1200-1400), époque des croisades, voit la renaissance de l’astrologie et de l’alchimie. La pratique de ces matières « magiques» entraîne une « force sidérale» accrue (utilisation d’amulettes, de talismans). L’influence des astres sur le comportement est réaffirmé.
La renaissance est marquée par la redécouverte des textes de l’antiquité (notamment grecque), favorisée grâce à la diffusion d’horoscopes par l’imprimerie. L’astrologie est alors enseignée en même temps que la médecine (il est inconcevable qu’un médecin ne soit pas astrologue). Avec le retour aux sources, revient la séparation entre les prévisions des événements et le caractère des individus.
Cependant, vers la fin du XVe et le début du XVIe siècle, on assiste à un déclin de l’astrologie, dû à l’apparition de la théorie de l’héliocentrisme par Copernic, reprise par Galilée puis Kepler. Cette nouvelle vision du monde affecte l’astrologie qui n’est plus enseignée dans les universités, et perd tout crédit dans les milieux scientifiques. L’astrologie est alors condamnée par l’église et les découvertes scientifiques.
Le déclin de l’astrologie se poursuit au XVIIIe et XIXe siècle où la raison triomphe. Le siècle des lumières est marqué par le début des questions rationnelles sur le déterminisme physique de l’influence des astres sur le caractère . Ce déclin est également marqué par l’introduction de la « méthode scientifique» que l’astrologie n’applique pas, et lui fait défaut. Les éphémérides astrologiques sont supprimés en 1710, et les astrologues sont discrédités. On assiste alors à la création de « sociétés secrètes » qui recueillent les courants persécutés, et qui vont contribuer à la réintroduction de l’astrologie vers la fin du XIXe siècle. Le polytechnicien Paul Choisnard (1867-1930) va contribuer à redonner un second souffle à l’astrologie. Il va tenter, à travers sa formation, d’appliquer la démarche scientifique qui ne sera pas concluante, faute de données expérimentales et de statistiques. Néanmoins, l’astrologie a été réintroduite, et va prendre un formidable essor au XXe siècle.
On observe alors un véritable engouement pour l’astrologie après la première guerre mondiale, à travers la publication d’horoscopes qui établissent des prévisions pour les individus.
Face au monde industriel et à la société de consommation qui s’imposent, l’astrologie devient très populaire. En 1970, la célèbre astrologue Madame Soleil fait son apparition sur les radios, et ne cessera de divulguer ses prévisions devant la très forte demande et l’enthousiasme.
Les individus, désireux de connaître leur avenir, consultent les astrologues et leurs boules de cristal, marcs de café, cartes… qui prétendent prédire le destin des hommes et des femmes dans les domaines de la santé, du travail, de l’amour. Ces pratiques sont dénoncées par la science, mais exploitées par les médias.
Les charlatans tirent profit de cette demande de la population pour connaître l’avenir. En ce siècle de progrès scientifiques considérables, d’industrialisation, de modernisation, mais aussi de crises économiques et d’écarts sociaux, l’astrologie n’est elle pas un recours, un moyen d’échapper au « mal de l’âme» des partisans de l’astrologie qui défendent leur théorie?
L’astrologie a traversé les siècles, a connu des points culminants et des déclins. On peut déceler 6 courants astrologiques qui résument son évolution: spirituel, scientifique, pragmatique, réformé, symbolique, mondial.
De la prévision des événements à l’influence du caractère, voyons comment les astrologues pratiquent et
défendent l’astrologie.
L'astrologie s'adresse à un fonctionnement de l'esprit différent du rationalisme. L'objet initial de l'astrologie est de faire un parallèle entre ce qui se passe dans le ciel et les faits terrestres, par l'intermédiaire de symboles.
La « Fraternité des Rose-Croix», association internationale de Mystiques Chrétiens fondée en 1909 par Max Heindel, prétend qu‘«un ordre parfait règne sur l’Univers, tout a un e cause, et rien n’arrive au hasard» Les échanges entre les transformations du Ciel et celle de la Terre s'appellent des "effluves". L'homme est un cosmos en réduction (Microcosme). Il vit et vibre avec lui (macrocosme).
Ce sont ces considérations qui faisaient faire des réactions chimiques aux alchimistes seulement lorsque les astres étaient favorables, et qui voudraient nous faire planter nos radis à la Lune montante !
Les astrologues se basent sur les connaissances des anciens grecs. Il est évident aujourd'hui que l'aspect du ciel a changé depuis ces temps reculés, et que nos connaissances actuelles de l'univers sont très différentes de la pensée d'Aristote.
Les astrologues reconnaissent malgré tout l'existence d'Uranus, Neptune et pluton, découverts entre temps,et à qui ils attribuent certaines vertus.
thème natal ou astral (prévisions).
Les signes du zodiaque:
Le signe d'une personne (physique ou morale, ou d'une ville, d'un pays...) est déterminé par la position du Soleil au jour et à l'heure de la naissance de la personne, de la ville ou du pays.
L'écliptique (trajectoire du Soleil sur la voûte céleste) est divisé en 12 parties approximativement égales à un mois,
c'est à dire de 28, 29, 30 ou 31 jours. Le changement de signe s'effectue autour du 20 de chaque mois.
L'origine (le premier signe) est affectée au point vernal (équinoxe de printemps). Les signes sont les suivants,
dans leur ordre chronologique :
- Bélier 21/03/20/04 - Taureau 21/04/20/05 - Gémeaux 21/05/21/06 - Cancer 22/06/22/07
- Lion 23/07/22/08 - Vierge 23/08/22/09 - Balance 23/09/22/10 - Scorpion 23/10/21/11
- Sagittaire 22/11/20/12 - Capricorne 21/12/29/01 - Verseau 20/01/18/02
- Poisson 19/02/20/03
Chaque signe est divisé en trois "décans" d'une dizaine de jours chacun. Le caractère sera influencé par le décan.
Les "planètes"
Le terme "planète" a une signification particulière en astrologie. Leur position au moment de la naissance,mais aussi le signe dans lequel elles se trouvent, et les angles qu'elles forment entre elles sont pris en compte dans la détermination d'un caractère ou d'un destin. Sont des "planètes" au sens de l'astrologue :
Mercure/Vénus/Mars/Jupiter/Saturne
mais aussi :Le Soleil/La Lune/Uranus/Neptune/Pluton
Les "planètes" ont chacune un domaine privilégié où s’exercent leurs influence :
Mars gouverne le Bélier et le Scorpion/Vénus gouverne le Taureau/Mercure gouverne les Gémeaux et la Vierge/La Lune gouverne le Cancer/Le Soleil gouverne le Lion/Jupiter gouvernele Sagittaire et le Poisson/Saturne gouverne le Capricorne et le Verseau.
Les éléments:
A chaque groupe de signe, on associe généralement un tempérament dû à un des quatre éléments de
l'antiquité et des alchimistes : Signes Elément Tempérament Valeur
Bélier, Lion, sagittaire Feu Bilieux Chaud et sec
Taureau, Vierge, Capricorne Terre Nerveux Froid et sec
Gémeaux, Balance, Verseau Air Sanguin Chaud et humide
Cancer, Scorpion, Poisson Eau Lymphatique Froid et humide
Les valeurs attribuées à chaque élément sont associées aux mots clé suivants :
Chaud : Intensité, effervescence, vivacité
Froid : Réflexion, prudence, contrôle
Sec : Précision, intransigeance, tension
Humide : Aisance, bienveillance, souplesse d'adaptation, sens de l'harmonie
Les "planètes" ont également leurs éléments :Soleil et Mars Feu/Mercure et Saturne Terre
/Vénus et Jupiter Air/Lune Eau
A la découverte des planètes lointaines, on attribua les éléments suivants :
Uranus Feu avec un tempérament billieux-nerveux/Neptune Eau/Pluton Feu
Le cycle ternaire:
Le caractère est déterminé par la position du signe dans la saison, définissant le cycle ternaire suivant :Cycle & Signes:
Cardinal : début de saison Bélier, Cancer, Capricorne, Balance
Fixe : développement de saison Taureau, Lion, Scorpion, Verseau
Mutable : fin de saison Gémeaux, Vierge, Sagittaire, Poisson
Le cycle cardinal est associé à un désir de mouvement, de marche en avant. Le fixe à un désir de
réalisation, d'équilibre. Le mutable renvoie à un désir de mutation, de changement.
Le cycle binaire
Le masculin a un tempérament Air et Feu. Ce sont les signes Bélier, Gémeaux, Lion, Balance, Sagittaire,Verseau.
Le féminin a un tempérament Terre et Eau. Il s'agit des natifs du Taureau, Cancer, Vierge, Scorpion,Capricorne, Poisson.
Les termes symboliques masculin et féminin sont pris dans le sens taoïste chinois du Yin et du Yang...
Le Thème astral
Un thème astral ou natal est réalisé en interprétantune représentation graphique, au jour de la naissance
de l'entité à "étudier".
L'astrologue interprète avec la "grammaire de la tradition", éminemment symbolique. Pour lui, ce n'est pas un déterminisme auquel on n'échappe pas, mais c'est une donnée psychique avec laquelle il faut compter.
La représentation graphique fait intervenir le signe de naissance, les 4 angles du ciel, les 12 maisons, les "planètes" et les angles qu'elles forment entre elles.
Les 4 angles du ciel
La date et le lieu de la naissance interviennent dans l'établissement d'un thème astral. A partir de ce premier point de l'espace-temps, 4 autres points sont définis :
L'ascendantest le point de l'horizon où s'est levé le Soleil le jour de la naissance. La position de ce point dans le zodiaque détermine le signe de l'ascendant. Les étoiles ou planètes qui se lèveront à ce moment et à cet endroit influeront sur la destinée de la personne (être né sous une bonne étoile).
Le milieu du cielest le lieu où culminent les planètes. C'est le chemin vers lequel le sujet tend à aller.
Le descendantest le lieu où se couchent les planètes. Il symbolise la manière dont l'être se projette dans le monde.
Le Fond du cielest l'opposé du milieu du ciel. Il exprime les forces complémentaires dont l'être a besoin pour réaliser son destin. Le fond du ciel symbolise les racines les plus profondes de l'individu. Concrètement c'est la façon dont il perçoit sa famille ou sa patrie.
L'homme reçoit le monde par rapport à lui-même (ascendant), par rapport aux autres (descendant), par rapport à sa destinée (milieu du ciel), et par rapport à ses racines (fond du ciel).
Les 12 maisons du monde
Les 12 maisons sont fixes. Ce sont les 12 signes du zodiaque figés au lever du Soleil le jour de la naissance. 6 sont au dessus de l'horizon, 6 au dessous. Ce sont les 12 domaines de l'existence, en analogie avec les 12 signes du zodiaque.
Les maisons acquièrent de l'importance lorsqu'une "planète" s'y trouve.
Les "planètes"
Les données du chapitre "Caractérologie" s'appliquent ici. La présence d'une planète dans une certaine constellation est révélatrice de la destinée du sujet.
Les angles sont mesurés sur la représentation graphique et ont la signification suivante, à une erreur tolérée de 10º près :
Angle Valeur Signification-
Conjonction 0º Fusion des tendances énergétiques, concordance et renforcement-
Opposition 180º Tension et affrontement-
Trigone 120º Facilite les courants énergétiques-
Carré 90º Tension plus dynamique et tranchée-
Sextile 60º Demi-trigone : facilitation plus rapide et efficiente-
Egalement référence au demi-sextile, au demi-carré, au sesqui-carré et à la quinconce.
Conclusion-
Chacun vit son thème astral différemment, et chaque astrologue l'interprète à sa manière, ce qui laisse ouvertes toutes les possibilités d'affirmer: " ça marche ! ".La vision de l'astrologie est limitée au système solaire. L'astronomie s'étend infiniment plus loin dans l'espace et le temps.L'astrologie est basée sur des croyances et les religions .Les croyances sont a l'origine des phénomènes surnaturel.
limoges le 06/07/2016 bruno mafrica
- Commentaires textes : Écrire
métagnomie
Le 05/07/2016
allan kardec
La clairvoyance ou « métagnomie »
On peut réunir sous la dénomination de clairvoyance un assez grand nombre de faits, appartenant probablement à des espèces différentes les unes des autres, mais tous extrêmement obscurs, pour ne pas dire incompréhensibles, d'apparence plus merveilleuse encore que ceux que nous venons d'étudier dans le chapitre précédent et avec lesquels ils ont une incontestable affinité au point qu'il est parfois très difficile de les distinguer les uns des autres.
Ces faits, depuis longtemps déjà signalés, surtout par les premiers adeptes du magnétisme animal, contestés ou expressément niés alors par les savants, trop souvent exploités ou simulés par des charlatans au dépens de la crédulité populaire, commencent à attirer l'attention de la science qui semble aujourd'hui porter vers eux ses regards avec un certain intérêt et sans le même parti pris de négation systématique.
Peut-être le nom de clairvoyance n'est-il pas très bien choisi pour s'appliquer avec une égale propriété à toutes les modalités du phénomène car le genre de connaissance ou de perception dont il s'agit ici n'est pas toujours assimilable à une vision (comme l'implique également le mot de double vue ou seconde vue employés parfois dans le même sens) il paraît plutôt, dans certains cas, analogue à une perception de l'ouï e (d'où le nom de clairaudience, employé pour désigner une de ses formes) ou du toucher. Il faudrait un terme qui signifiât d'une façon générale : « connaissance, obtenue par certains individus, dans certains états particuliers, qui ne semble pas pouvoir s'expliquer par l'exercice de nos sens et de nos facultés intellectuelles, tel qu'il se fait habituellement dans la vie normale. » Si je ne craignais d'encourir, encore une fois, le double reproche de barbarie et de pédantisme auquel s'expose tout inventeur de mots techniques tirés du grec, je proposerais, pour désigner ce phénomène de la façon la plus générale, le mot de métagnomie (de ίYôâ, qui veut dire au delà, et de âiβiç, qui veut dire connaissance), lequel, par conséquent, signifie à peu près « connaissance de choses situées au delà de celles que nous pouvons normalement connaître, connaissance supra-normale ».
La première question qui se pose à nous dans cette étude de la clairvoyance ou métagnomie est celle-ci : Existe-t-il une connaissance de ce genre ? C'est là une question de fait, à laquelle nous ne pourrons répondre qu'en énumérant des faits ; mais comme ces faits sont assez nombreux et, en apparence au moins, assez divers, assez différents les uns des autres, notre première question va se transformer en cette autre : Quelles sont les diverses formes de cette connaissance supra-normale, quelles sont les différentes modalités du phénomène métagnomique ? Nous pourrons ensuite essayer de déterminer les circonstances ou conditions, également nombreuses et diverses, dans lesquelles ce phénomène se produit, et nous nous demanderons après cela, et pour conclure, s'il est possible d'en donner une explication satisfaisante, en supposant que la réalité en soit démontrée.
Notre connaissance normale peut porter soit sur des faits ou objets actuellement existants (perception), soit sur des événements passés (mémoire), soit sur des événements futurs (prévision), soit enfin sur des rapports, sur des vérités générales, indépendantes du temps, telles que, par exemple, les lois scientifiques (généralisation, raisonnement, raison proprement dite).
Si nous appliquons ce cadre à la connaissance supra-normale, il semble bien que nous puissions, au moins provisoirement, faire abstraction de la dernière de ces catégories, soit parce que les faits qu'on pourrait y classer sont excessivement rares, soit surtout parce qu'il est très difficile de les distinguer des faits normaux du même genre. D'une part, on ne voit guère que les médiums, même les plus merveilleusement clairvoyants, aient révélé à l'humanité beaucoup de vérités scientifiques de quelque importance et, d'autre part, qui dira où commencent et où finissent le normal et le supra-normal dans les intuitions des hommes de génie ou même simplement dans les virtuosités des calculateurs prodiges ? Nous pouvons donc nous borner aux trois premières sortes de connaissance : perception, mémoire et prévision, pour en étudier les formes métagnomique.
En ce qui concerne la perception, il semble qu'un sens spécial, ce qu'on pourrait appeler un sixième sens, apparaisse ou se développe chez certains individus, dans certaines circonstances particulières, pour les mettre en rapport avec des radiations ou émanations des choses inaccessibles à nos sens ordinaires, et permettre à l'intelligence de ces sujets ou médiums d'avoir ainsi des informations sui generis dont l'origine nous échappe entièrement. N'y a-t-il pas déjà quelque chose d'analogue dans l'extraordinaire acuité du sens de l'odorat chez le chien, ou dans ce sens des localités et de l'orientation, dont nous sommes bien forcés de supposer l'existence chez un assez grand nombre d'animaux, sans parvenir à en comprendre la nature ?
Il est assez malaisé de classer les diverses espèces de la perception métagnomique, car les limites qui les séparent les unes des autres sont souvent presque insensibles, et nous ne nous dissimulons pas ce qu'il y a forcément d'arbitraire et d'artificiel dans les divisions que nous sommes obligés d'introduire au sein de faits en réalité indivisibles, afin d'en faciliter l'étude.
Tous les traités de psychologie distinguent la perception par la conscience, perception intérieure ou sens intime, ayant pour objet la vie psychologique du moi, et la perception par les sens, perception extérieure, ayant pour objet le monde des choses matérielles, la perception subjective et la perception objective. De même, quoiqu'avec une précision moins grande, nous pourrions distinguer deux variétés de perception clairvoyante ou métagnomique, la première s'exerçant surtout dans le monde intérieur de la conscience, la seconde s'adressant plutôt au monde extérieur des objets et des événements physiques.
Il faut sans doute rapporter à la première cette étrange faculté que possèdent certains sujets de percevoir l'état de leurs organes intérieurs avec une netteté suffisante pour pouvoir les décrire comme le ferait un observateur étranger, faculté affirmée par les anciens magnétiseurs au grand scandale des savants de ce temps-là, reconnue depuis et étudiée par le docteur Sollier sous le nom d'autoscopie. Tel est le cas de cette malade qui, ayant avalé une épingle deux mois auparavant, a pu, en état d'hypnose, la suivre dans toutes les péripéties de son voyage à travers l'intestin. Elle me dit « que l'eau (d'un lavement administré pour faciliter l'expulsion) arrive bien jusqu'à l'épingle et l'entraîne » et elle rend enfin cette épingle, qui était bien conforme à sa description, en disant : « Ça y est, elle est sortie ». L'épingle était dépolie par les liquides intestinaux. Je réveille la malade, je la lui montre. Elle n'hésite pas une seconde : « C'est bien celle-là , dit-elle ».
Le champ de vision de cette faculté n'est pas, d'ailleurs, nécessairement limité au seul organisme de celui qui la possède : elle peut s'exercer aussi sur un organisme étranger. Beaucoup de somnambules, selon les anciens magnétiseurs, perçoivent l'état des organes chez les personnes qu'on met en rapport avec elles et éprouvent par une sorte de sympathie inexplicable les mêmes sensations organiques internes. Il se fait là une sorte de compénétration de deux sensibilités et de deux consciences. Nous l'avons déjà étudiée dans le chapitre précédent sous le nom de diapsychie. A vrai dire, la diapsychie pourrait être considérée comme un cas particulier de la métagnomie, puisqu'elle est, elle aussi, selon la définition que nous avons donnée de cette dernière, « une connaissance obtenue par certains individus, dans certains états particuliers, qui ne peut s'expliquer par l'exercice de nos sens et de nos facultés intellectuelles, tel qu'il se fait habituellement dans la vie normale ».
C'est un fait du même genre qui doit vraisemblablement constituer ce qu'on a appelé le rapport magnétique. L'hypnotisé, insensible à l'égard de toute autre personne, a une sensibilité spéciale à l'égard de son hypnotiseur. Qu'une autre personne lui parle, il n'entend pas, il ne répond pas ; il entend, il répond, dès que l'hypnotiseur lui adresse la parole. Mais il entend et répond également à toute autre personne qui se met en rapport avec l'hypnotiseur par un contact. Il perçoit donc par un moyen qui nous échappe les contacts ressentis par l'hypnotiseur.
Ce ne sont pas seulement les sensations internes qui peuvent être ainsi perçues : ce sont encore des phénomènes d'une nature plus purement psychologique ou subjective, des idées, des opérations intellectuelles, des actes de volonté, mieux encore des penchants, des habitudes, des dispositions innées ou acquises du tempérament et du caractère. Le médium lit en quelque sorte dans la pensée, dans l'âme d'autrui comme il lirait en lui-même. Parfois, comme nous l'avons montré dans notre étude de la suggestion mentale, c'est avec la permission ou même sur l'ordre d'autrui que le livre intérieur s'ouvre ainsi devant ses regards ; mais parfois aussi c'est spontanément et à l'insu d'autrui que sa vue y plonge pour y découvrir des secrets cachés au plus profond de la conscience, et c'est alors une véritable divination de pensée. Les êtres capables d'une telle divination sont, aux yeux du docteur Osty, des êtres prodigieux dont « le cerveau est parvenu à un si haut degré de sensibilité qu'il est devenu le réactif capable de déceler ce que contiennent les cerveaux des autres hommes. Ce sont les truchements que la nature a créés entre notre esprit total et notre conscience, ce sont les miroirs devant lesquels notre pensée, qui s'ignorait, se voit et se connaît ! ».
La perception métagnomique de forme objective ou physique, dont les affinités avec la diapsychie sont moins visibles, présente, elle aussi, un assez grand nombre de variétés.
Mettons tout d'abord à part celle qui correspond aux phénomènes réunis par nous sous le nom d'hyloscopie et dont les plus connus sont les influences exercées par les sources, les courants d'eaux, les métaux, etc., sur la sensibilité spéciale des pendulisants et baguettisants.
Si nous considérons plutôt des perceptions relevant de la sensibilité générale, commune à l'espèce humaine tout entière, le premier fait à noter dans cet ordre d'idées est celui de l'extériorisation de la sensibilité découvert par le colonel de Rochas, mais dont l'interprétation est encore généralement contestée. Au lieu de percevoir à même la peau les attouchements, piqûres, pincements, etc., qu'on pratique en effet sur sa peau, le sujet les perçoit à des distances variables ou même dans des objets qui ont été plus ou moins longtemps en contact avec elle.
On peut rapprocher de ce fait celui de la vision ou de la lecture par le bout des doigts. Nous avons nous-même analysé minutieusement un exemple de ce dernier dans un des chapitres de notre Psychologie inconnue : «Un cas de transposition des sens ».La série des expériences qui s'y trouvent rapportées fut malheureusement interrompue par le départ du sujet, Ludovic S..., pour le nord de la France, où il séjourna de 1907 à 1914. C'est seulement en 1914 qu'il revint à Dijon, où la mobilisation l'appelait et où il resta d'ailleurs pendant un temps très court. Le 9 décembre 1914, introduit dans mon cabinet, vers 6 h. 3/4 du soir, il est endormi très rapidement par suggestion verbale. Je lui mets un bandeau sur les yeux et j'allume la lampe électrique du bureau voisin de mon cabinet (bureau de mon secrétaire). Je ferme la porte de cette pièce et je laisse entr'ouverte celle de mon cabinet donnant sur le couloir qui l'en sépare. Revenu auprès de S..., j'éteins l'électricité dans mon cabinet. Le seul éclairage qui me reste consiste donc dans la lueur qui vient, à travers la porte vitrée du bureau voisin, dans le mien. Le sujet, les yeux bandés, est assis dans l'angle le plus éloigné et le plus obscur du cabinet. Je mets entre ses mains un numéro plié du journal « l'Indépendant de l'Auxois et du Morvan », dont la première ligne de titre, l'Indépendant, est imprimée en très gros caractères. Il passe ses doigts sur le titre, mais il semble que sa sensibilité spéciale ait disparu ou se soit singulièrement émoussée pendant une aussi longue interruption de nos expériences, car il me déclare qu'il ne voit rien. Je lui donne alors un volume relié en maroquin rouge qui porte imprimé en relief sur la couverture, au centre, les armes du second empire et, autour, les mots « concours général des départements ». J'exhorte le sujet à persister, à avoir confiance en lui-même : je lui fais remarquer que cette fois les lettres présentent un relief sensible. Je l'entends qui murmure la syllabe « con » et s'arrête. Je l'encourage : C'est cela ! Il dit alors « conseil ». - Non, faites attention ! - « Conférence ». Je lui dis qu'il y a deux mots à la suite l'un de l'autre : il déchiffre le second « général », syllabe par syllabe. Puis, vient le tour de l'inscription du bas : « des départements ». Il revient à « concours » et le lit enfin, non sans hésitation et sans effort. Le titre du roman de Fromentin, « Dominique », est lu ensuite assez facilement. De lui‑même, le sujet reconnaît qu'il y a quelque chose au-dessus et lit « Eugène Fromentin ». De même il lit sur un autre volume : « L'hystérie et la neurasthénie chez le paysan ». Vient ensuite le tour de la « Sérothérapie antitétanique ». Pour ce dernier mot, il y a des hésitations après « antité » , le sujet dit à plusieurs reprises « antitéra », avant de lire correctement. Le journal est remis entre ses mains. Cette fois il lit sans difficulté : « l'Indépendant » mais il ne va pas plus loin et déclare qu'il n'y a pas autre chose. Je m'aperçois alors que, le journal étant plié, la seconde partie du titre « de l'Auxois et du Morvan » est sous le pli : mais quoiqu'imprimée en plus petits caractères, elle est lue comme le reste quand elle est mise sous ses doigts. Une première photographie, d'assez grand format, lui est donnée : il me demande s'il faut qu'il la voie : je lui dis que oui ; il me répond alors que c'est mon portrait et que j'y suis représenté de profil, ce qui est exact. Seconde photographie plus petite, forme médaillon. Il me demande encore s'il faut qu'il la voie. Sur ma réponse affirmative, il me dit : « C'est vous, mais avec une autre pose, à peu près de face et tourné de l'autre côté », ce qui est également exact.
En nous avançant toujours dans la même direction, nous trouvons le fait de la vision à travers les corps opaques, maintes fois décrit par les anciens magnétiseurs, notamment par W. Gregory dans ses Lettres sur le magnétisme animal, et que certains de nos contemporains croient expliquer en la rattachant aux rayons X. Du moins on a pu lire dans le numéro du 16 mars 1913 du journal Le Matin, une dépêche de New-York au Daily Chronicle ainsi conçue : « Une petite fille de dix ans, nommée Bealah Miller, possède, suivant l'expression d'un membre de l'Académie de médecine, le docteur John Quackenbo, qui l'examina longuement, une vision des rayons X. Elle voit à travers les corps opaques et n'eut aucune difficulté, au cours des expériences, à dire ce que les assistants, avaient dans leur poche, à lire une certaine page d'un livre fermé et à décrire des objets placés dans des caisses closes. »
Voici, d'autre part, quelques détails sur les faits rapportés par W. Gregory :
Il s'agit des expériences faites par le major Buckley avec des personnes mises par lui en état de clairvoyance et qui, dans cet état, pouvaient déchiffrer des devises enfermées dans des coques de noix. La statistique donnée à ce sujet est fort curieuse. Sur quatre-vingt-neuf personnes rendues clairvoyantes à l'état de veille, quarante-quatre ont été capables de lire ainsi ; en état de sommeil hypnotique, le nombre des liseurs s'est élevé à cent quarante-huit. Il a été lu des devises contenues dans quatre mille huit cent soixante coques de noix et comprenant environ trente-six mille mots. Dans un petit nombre de cas, les devises auraient pu être lues par lecture de pensée, les personnes qui les avaient mises dans les boîtes étant présentes mais dans la plupart des cas, les mots n'étaient connus d'aucun des assistants et, par suite, ils ont dû être lus par clairvoyance directe. Toutes précautions avaient été prises. Les noix, enfermant les devises, avaient été achetées chez quarante fournisseurs différents et avaient été scellées jusqu'au moment de la lecture.
Le cas suivant donnera une idée plus précise de ces expériences. Sir Wilshire avait emporté chez lui un « nid de boîtes » appartenant au major Buckley et il avait placé dans la boîte la plus intérieure un morceau de papier sur lequel il avait écrit un mot. Quelques jours plus tard, il rapporta les boites, scellées dans du papier, et demanda à l'une des clairvoyantes du major Buckley de lire le mot. Le major fit des passes sur les boîtes : quand elle dit qu'elle voyait le mot « concert », Sir Wilshire déclara qu'elle avait raison pour les premières et les dernières lettres, mais que le mot était différent. Elle persista, quand il lui dit que le mot était « correct ». Mais en ouvrant les boîtes, on trouva que le mot était « concert ». « Ce cas, dit Gregory, est très remarquable, car si la clairvoyante avait lu le mot par lecture de pensée, elle l'aurait lu conformément à la croyance de Sir Wilshire, qui, ou bien avait eu l'intention d'écrire « correct » ou, dans l'intervalle, avait oublié qu'il avait écrit « concert », mais qui certainement croyait que le premier était le véritable mot. »
Faisons encore un pas et nous nous trouvons en présence de la vision à grande distance, de ce qu'on appelle généralement la double vue ou lucidité, pour laquelle, semble-t-il, l'espace n'existe plus et qui perçoit en un instant ce qui se passe dans les lieux les plus éloignés, sorte de téléopsie naturelle bien qu'inexplicable, tout à fait comparable dans son genre à la télégraphie et à la téléphonie sans fil. Les livres des anciens magnétiseurs abondent en relations de faits de cette espèce.
Nous empruntons à la Revue philosophique de l'année 1889 (t.I, p. 205), le récit des observations du docteur Dufay, de Blois, sur une jeune servante qui présentait au plus haut degré le phénomène de la double vue.
Le docteur Dufay raconte que son ami, le docteur Girault, invité par une de ses parentes, Mme D..., à la rendre témoin des phénomènes de clairvoyance présentés par Marie, sa jeune servante, l'avait prié d'arranger lui-même le programme de la séance, en enveloppant, par exemple, divers objets, de manière à en dissimuler la nature et sans les lui faire connaître à lui-même. Ces petits paquets seraient présentés à la somnambule, qui devrait découvrir ce qu'ils contenaient. La chose fut convenue et le jour fixé. Nous laissons maintenant la parole au docteur Dufay :
« Je venais de mettre de côté quelques objets d'un usage peu ordinaire, afin que le hasard servît moins notre voyante, lorsque m'arriva d'Algérie une lettre d'un chef de bataillon d'infanterie que j'avais connu en garnison à Blois. Le commandant me racontait divers épisodes de sa vie au désert et me parlait surtout de sa santé, qui venait d'être très éprouvée. Il avait couché sous la tente pendant la saison des pluies, ce qui avait déterminé chez lui, comme chez la plupart de ses camarades, une dysenterie violente.
Je plaçai cette lettre dans une première enveloppe sans adresse ni timbre de poste, et en collai soigneusement les bords puis j'introduisis le tout dans une seconde enveloppe, de couleur foncée, et fermée comme la première.
Au jour dit, j'arrivai chez Mme D... un peu en retard. Déjà Marie était endormie ; elle ignora donc ma présence, sachant seulement que je devais venir. Les dix ou douze personnes réunies dans le salon de Mme D... étaient dans la stupéfaction de ce qu'elles venaient de voir, la somnambule ayant reconnu sans se tromper le contenu de plusieurs paquets préparés par elles-mêmes, comme je l'avais fait de mon côté ; mais je laissai les miens dans une poche, afin d'éviter la monotonie des expériences, me bornant à glisser ma lettre dans la main d'une des assistantes, en lui faisant signe de la faire passer jusqu'à M. Girault. Celui-ci la reçut sans savoir qu'elle venait de moi et la remit entre les mains de Marie.
Je n'ai pas noté si ses yeux étaient ouverts ou fermés, mais cela n'avait, on le conçoit, aucune importance en pareil cas.
- Qu'est-ce que vous avez dans la main ? demande le docteur Girault.
- Une lettre.
- A qui a-t-elle été adressée ?
- A M. Dufay.
- Par qui ?
- Par un monsieur militaire que je ne connais pas.
- De quoi parle-t-il dans sa lettre, ce monsieur militaire ?
- Il est malade, il parle de sa maladie.
- Est-ce une maladie que vous pourriez nommer ?
- Oh ! oui... très bien, c'est comme celle du vieux boissier de Mesland, qui n'est pas encore arrêtée..
- Très bien... très bien, je comprends... la dysenterie. Ecoutez, Marie, je crois que vous feriez grand plaisir à M. Dufay si vous alliez voir son ami l'officier, pour lui en rapporter des nouvelles certaines.
- Oh ! il est trop loin... Ce serait un long voyage.
- Eh bien ! partez sans perdre de temps. Nous vous attendrons.
(Après un long silence.) Je ne peux pas continuer ma route... Il y a de l'eau, beaucoup d'eau.
- Et vous ne voyez pas de pont ?
- Bien sûr qu'il n'y a pas de pont.
- Il y a peut-être un bateau pour traverser, comme entre Onzain et Chaumont. (Le pont de Chaumont sur la Loire n'était pas encore construit.)
- Des bateaux... oui, mais cette Loire-là me fait grand peur, une vraie inondation !
- Allons, allons, du courage et embarquez-vous. (Silence prolongé, agitation, pâleur du visage, quelques nausées). Etes-vous bientôt arrivée ?
- J'arrive, mais, j'ai été bien fatiguée, et je ne vois personne au bord de l'eau.
1. Débarquez et avancez, vous finirez par rencontrer quelqu'un.
2. Voilà, voilà. J'aperçois du monde... rien que des femmes en blanc. Ah ! mais non, au contraire, ils ont tous de la barbe.
3. Eh bien ! abordez-les et priez-les de vous indiquer où vous trouverez le monsieur militaire.
4. (Après un silence.) Ils ne parlent pas comme nous, il a fallu que j'attende qu'on appelle un petit garçon à culotte rouge, avec qui j'ai pu m'entendre. Il m'a conduite luimême, et pas vite, parce que nous marchions dans du sable.
5. Et le monsieur ?
6. Le voilà. Il a un pantalon rouge et une casquette d'officier. Mais qu'il a mauvaise mine et qu'il est maigre !
7. Vous dit-il ce qui a causé sa maladie ?
8. Oui ; il me montre son lit, trois planches sur des piquets, au-dessus d'un sable humide.
9. Allons, merci, conseillez-lui d'aller à l'hôpital où il sera mieux couché et revenez à Blois.
Je priai alors mon confrère d'ouvrir la lettre et d'en donner lecture. Ce n'est pas lui qui fut le moins satisfait de la société : le succès avait dépassé ses espérances. »
Le docteur Dufay devait avoir une nouvelle preuve de la clairvoyance de la jeune somnambule dans les circonstances que voici :
Marie, en état de somnambulisme naturel, avait rangé hors de leur place habituelle des bijoux de sa maîtresse, qui l'avait accusée de les lui avoir volés. Le docteur Dufay, appelé à la prison de Blois où elle était détenue, avait, en la plongeant dans le somnambulisme artificiel, réveillé ses souvenirs et fait reconnaître son innocence, mais par suite des formalités judiciaires, elle n'avait pas été remise immédiatement en liberté.
« Le lendemain, raconte le docteur Dufay, on était venu me chercher de grand matin à l'occasion d'un suicide qui venait d'avoir lieu. Un détenu, accusé d'assassinat, s'était étranglé avec sa cravate dont il avait attaché l'une des extrémités au pied de son lit fixé sur le sol. Couché à plat ventre sur la dalle du cachot, il avait eu le courage de se pousser en arrière avec les mains jusqu'à ce que le nœud coulant de la cravate eût produit la strangulation. Le corps était déjà froid lorsque j'arrivai en même temps que le procureur et le juge d'instruction.
Le procureur, à qui le juge d'instruction avait raconté la scène de somnambulisme de la veille, manifesta le désir de voir Marie et je lui proposai de profiter de ce qui venait d'arriver pour interroger cette fille sur le criminel qui s'était fait justice lui-même. Les magistrats acceptèrent avec empressement ma proposition. Je coupai un morceau de la cravate et l'enveloppai de plusieurs feuilles de papier que je ficelai fortement.
Arrivés au quartier des femmes qui venaient de descendre du dortoir, nous priâmes la sœur gardienne de mettre son cabinet à notre disposition.
Je fis signe à Marie de nous suivre, sans lui dire un seul mot, et je l'endormis par une simple application de la main sur le front. Je tirai alors de ma poche le paquet préparé et le lui mis entre les mains. Au même instant, la pauvre fille bondit sur sa chaise, et rejeta au loin avec horreur ce paquet, criant avec colère qu'elle ne voulait pas « toucher cela ». Or, on sait que, dans les prisons, les suicides sont tenus secrets le plus longtemps possible. Rien n'avait encore transpiré dans l'intérieur de l'établissement du drame qui venait de s'accomplir, la religieuse elle-même l'ignorait.
- Qu’est-ce que vous croyez donc que ce papier renferme ? demandai-je, quand le calme fut un peu revenu.
- C'est quelque chose qui a servi à tuer un homme.
- Un couteau peut-être ? ou un pistolet ?
- Non, non, une corde..., je vois..., je vois..., c'est une cravate... il s'est pendu... Mais faites donc asseoir le monsieur qui est derrière moi, car il tremble si fort que ses jambes ne peuvent plus le porter. (C'était l'un des deux magistrats qui était si ému de ce qu'il voyait qu'il tremblait, en effet, de tous ses membres).
- Pourriez-vous dire où cet événement s'est passé ?
- Ici même, vous le savez bien... C'est un prisonnier...
- Et pourquoi était-il en prison ?
- Pour avoir assassiné un homme qui lui avait demandé à monter dans sa charrette.
- Comment l'avait-il tué ?
- A coups de gouet.
On nomme ainsi dans le Loir-et-Cher une sorte de hachette à manche court, à lame large, et allongée, recourbée en bec de perroquet à son extrémité : c'est un instrument très employé à la campagne, surtout par les tonneliers et les bûcherons. Et c'était, en effet, un gouet que j'avais désigné dans mon rapport médico-légal comme étant probablement l'arme dont le meurtrier s'était servi.
Jusqu'ici les réponses de Marie ne nous avaient rien appris que nous ne sussions à l'avance. A ce moment le juge d'instruction me tira à l'écart et me souffla à l'oreille que le gouet n'avait pas été retrouvé.
- Et qu'a-t-il fait de son gouet ? demandai-je.
- Ce qu'il en a fait ?... attendez... il l'a jeté dans une mare...je le vois très bien au fond de l'eau.
Et elle indiqua assez exactement le lieu où se trouvait cette mare pour qu'on pût y faire des recherches le jour même, en présence d'un brigadier de gendarmerie et y découvrir l'instrument du crime. Nous n'avons connu ce résultat que dans la soirée, mais déjà le scepticisme des magistrats était fort ébranlé.
Pour satisfaire leur curiosité, je priai la sœur d'aller emprunter à quelques-unes des condamnées un petit objet leur, appartenant, comme une bague, une boucle d'oreille, etc., et d'en faire des petits paquets dissimulant bien la forme de l'objet. Marie nous fit le récit exact des faits qui avaient motivé la condamnation de chacune des détenues. »
La double vue est un fait si extraordinaire, qui heurte si violemment toutes les croyances reçues, qu'on nous excusera si nous en multiplions les exemples. En voici un que nous avons recueilli tout récemment de la bouche de celui qui l'a expérimenté et qui, sur notre demande, en a rédigé le récit, M. Jean B..., instituteur dans une des principales écoles de Perpignan. Nous reproduisons sa rédaction sans en rien changer, sauf pour les noms propres dont nous ne conservons que les initiales.
« Au mois d'août 1892, j'étais alors instituteur à Céret, un hypnotiseur de passage donna une séance d'hypnotisme dans un café de cette ville. Un jeune homme de 18 ans, Raymond S..., employé chez M. Antoine R..., coiffeur, de qui j'étais le client, fut pris comme sujet par l'expérimentateur.
Quelques jours après, étant allé me faire raser, la conversation roula sur les expériences auxquelles S..., s'était prêté. Il me proposa de l'endormir. Nous étions seuls ; son patron accomplissait en ce moment une période militaire de treize jours à Perpignan. Je me prêtai donc à son désir et j'eus la satisfaction de réussir, satisfaction d'autant plus vive que c'était la première fois que je me livrais à cet essai. Le jeune S... était d'ailleurs un sujet merveilleux, d'une sensibilité et d'une suggestibilité extrêmes. Je n'eus pas de peine à répéter avec lui toutes les expériences que j'avais vu faire à l'hypnotiseur de profession.
Je vins alors, très souvent, au salon de coiffure de M. R..., car je me passionnai pour ces expériences.
L'idée d'essayer la seconde vue, dont j'avais lu des relations qui m'avaient laissé fort sceptique, me vint un jour. C'était un jeudi, vers 5 heures du soir. M. R... n'avait pas encore terminé sa période de treize jours - il en était à sa première semaine et se trouvait donc encore à Perpignan. Je dis à S... ce que j'attendais de lui ; il s'y prêta aussitôt, curieux comme moi de connaître le résultat de ces expériences. Je l'endormis et lui ordonnai de chercher son patron. Il devait être alors 5 h. 1/4. Après quelques instants de silence, le sujet me dit : « Je le vois. »
- Où ? lui demandai-je. « Il est au café. »
- Lequel ? « Au café de la Mairie. »
- Que fait-il ? « Il prend l'absinthe. »
- Est-il tout seul ? « Non, il est avec deux autres camarades. »
- Les connaissez-vous ceux-là ? « Non, je ne les connais pas. » Puis, se ravisant : « Ah ! il y en a un que j'ai vu ici pour la Saint-Ferréol » (on désigne ainsi la fête patronale de Céret). Ne trouvant rien plus à demander concernant M. R.., je l'envoyai chez lui - il était du Soler - et il me dit voir sa mère vaquant aux soins du ménage, son frère assis dans la cuisine, etc., bref, des banalités ; aussi n'insistai-je pas, car je ne voyais pas le moyen d'en contrôler l'exactitude. Je le réveillai là-dessus et lui racontai tout ce qu'il m'avait dit. Il en était tout étonné, car il ne se souvenait de rien.
Quelques instants après je l'endormis de nouveau et l'envoyai encore à la recherche de son patron. A ma question : « Voyez-vous encore votre patron ? » Il me répondit : « Il n'est plus au café. »
- Où est-il donc ? « Il marche. »
- Est-il encore avec ses camarades ! « Il y en a un qui est parti. »
- Lequel ? « Celui qui était ici pour la Saint-Ferréol. »
- Puisqu'ils marchent, suivez-les ; où vont-ils ? « Je ne sais pas. »
- Eh bien, vous me le direz quand vous le saurez. Ici un silence d'une minute environ, puis, tout à coup : « Ils vont souper. »
- Comment le savez-vous ? « Ils entrent à la Boule d'Or »
Je n'insistai pas davantage et je réveillai mon sujet qui d'ailleurs paraissait fatigué.
Restait maintenant à contrôler l'exactitude des faits qu'il m'avait dévoilés.
Je savais que M. R... devait venir le samedi suivant en permission de vingt-quatre heures. Je me proposai d'aller l'attendre à la gare et de l'interroger aussi habilement que je le pourrais sur l'emploi de son temps, le jeudi soir entre 5 heures et 6 heures. C'est ce que je fis. En chemin, je lui dis : « Jeudi dernier, vers 5 h. 1/4, je vous ai vu à Perpignan. Vous étiez au café de la Mairie, vous preniez l'absinthe avec deux de vos camarades. » M. R..., me regardant, me dit simplement : « Pourquoi n'êtes-vous pas venu me dire bonjour ? Vous auriez fait comme nous. » - Je n'ai pas osé, craignant d'être indiscret, lui répondis-je ; d'ailleurs j'étais pressé, je n'en avais pas le temps. « Tant pis, vous m'auriez fait tout de même plaisir de me dire un mot. »
- A propos, lui demandai-je, quels étaient vos deux camarades ? L'un d'eux n'a-t-il pas été ici à Céret ? « Mes camarades s'appellent l'un F..., qui est d'ailleurs d'ici, mais qui n'y habite plus, et l'autre, Charles M..., pâtissier à Perpignan. »
- Lequel des deux était ici, pour la SaintFerréol ? « Eh bien, c'est mon ami Charles que j'avais invité pour la fête. »
- Alors c'est lui qui vous a quitté quand vous êtes allé souper avec F... à la Boule d'Or ?
A cette interrogation, M. R... me regarde stupéfait et s'écrie : « Comment le savez-vous ? Vous m'avez donc suivi ? Que me racontiez-vous donc tout à l'heure que vous étiez si pressé ! » Je ne pus m'empêcher de rire et fus obligé de lui dire comment j'avais obtenu ces renseignements.
M. R .. n'avait sans doute aucune idée des phénomènes hypnotiques, car il n'ajouta aucune créance à mon dire et il s'écria : « Vous êtes un farceur ! Vous vous gaussez de moi ! » Et j'eus beau essayer de le convaincre que je n'avais pas employé d'autres moyens pour connaître l'emploi de son temps, je ne pus y réussir.
Enfin, lui dis-je, l'essentiel pour moi c'est que vous reconnaissiez que tout ce que je vous ai dit est exact. Pour le reste, puisque vous êtes si incrédule, je vous le ferai voir un de ces jours. J'espère, alors, que vous serez convaincu. « Oh ! si je le vois, je le croirai. » Nous nous quittâmes sur ces mots.
Le samedi suivant, M. R... était rentré définitivement à Céret, sa période de treize jours terminée. Etant allé me faire servir ce jour-là, il me rappela lui-même ma promesse et nous nous donnâmes rendez-vous pour le lundi soir après 8 heures afin d'être tout à fait libres. Le lundi est, en effet, jour de repos pour les coiffeurs. Je n'eus garde de manquer au rendez-vous. A 8 heures, je me rendis au salon de coiffure où se trouvaient déjà, outre M. R... et son employé, la sueur de celui-ci, demoiselle d'une quarantaine d'années, un M. S.., ancien boucher et une autre personne que je ne connaissais pas. J'endormis S... et lui fis exécuter diverses suggestions, à l'étonnement des assistants qui n'en avaient jamais été témoins puis je le réveillai. Sur ces entrefaites, Mme R... paraît sur le seuil de la porte du salon de coiffure. (Ce salon qui est situé dans la rue Saint-Ferréol, laquelle est perpendiculaire au boulevard Saint-Roch et à trente pas de ce boulevard, n'a qu'une entrée donnant sur la rue ; Mme R... a son habitation dans l'intérieur de la ville.) Mme R... se montre donc sur le seuil, paraît un moment interdite et, s'adressant à son mari, sans finir d'entrer, lui dit : « Antoine, je vais où tu sais. » Et, sans d'autres mots ; elle s'en va.
Alors, une inspiration me vint. Je demandai à M. R... « Est-ce que votre employé sait où va votre femme et ce qu'elle va faire ? »
- « Cela non, il l'ignore totalement, car c'est une affaire entre ma femme et moi. »
- Eh bien, lui dis-je alors, si votre employé nous dit où va votre femme et ce qu'elle va faire, croirez-vous qu'il ait pu me dire ce que vous faisiez, vous, à Perpignan ? « Oh ! alors, je ne douterai plus. »
- Bien, nous allons voir.
J'endormis aussitôt le sujet et le fis asseoir dans un fauteuil :
- Suivez Mme R..., lui ordonnai-je ; la voyez-vous ? « je la vois, elle descend la rue Saint-Ferréol »
- Bon, suivez-là, vous me direz ce qu'elle fait. Au bout d'un instant de silence, il dit : « Elle est arrêtée. »
- Où cela ? « Au fond de la rue. »
- Que fait-elle ? « Elle parle. »
- Avec qui ? « Avec une femme. »
- La connaissez-vous cette femme ? « Non, je ne la connais pas. »
- Vous ne savez donc pas quelles sont ses occupations ? « Si, elle vend du vin. »
- Et où demeure-t-elle ? « A main gauche en descendant. » Alors l'idée me vint, puisqu'il voyait les deux femmes causer, de lui faire entendre ce qu'elles disaient.
- Eh bien, puisqu'elles causent, écoutez ce qu'elles disent et répétez-le moi. « Je n'entends pas », me répondit-il.
- Ecoutez, insistai-je, vous entendrez. Il me répéta, cette fois en élevant la voix et avec une certaine irritation : « Je n'entends pas. »
- Je veux que vous entendiez ordonnai-je.
Aussitôt, le visage du sujet changea d'expression ; on voyait qu'un violent effort crispait sa volonté, les veines de son front se gonflèrent, puis, tout à coup, tout son être tendu, d'une voix saccadée, étrange ; il proféra ces deux mots : « Argent... Espagne ! » et il se laissa aller dans le fauteuil comme épuisé. Je le réveillai aussitôt, un peu effrayé, et comme il demeurait comme prostré, je dus lui mouiller les tempes avec une serviette, ce à quoi je n'avais jamais eus recours encore.
Sur ces entrefaites ; Mme R... rentre dans le salon de coiffure. Je m'avance aussitôt vers elle, et, avant que personne lui adresse la parole, je lui dis : « Madame, est-ce vrai, que vous venez du fond de la rue Saint-Ferréol de trouver une marchande de vin avec laquelle vous avez causé, je ne sais à propos de quoi, d'argent..., d'Espagne... » Mme R... me regarde en riant et m'explique aussitôt : « Oui, je viens de chez la femme T... ; comme je sais que son mari doit aller en Espagne cette semaine, je viens de lui demander s'il pourra me prendre les sous espagnols (la monnaie de billon espagnole) que j'ai à la maison. » A ce moment-là, en effet, il y avait quelque temps que la circulation de la monnaie de billon espagnole avait été prohibée dans le département des Pyrénées-Orientales qui en était littéralement inondé. »
La télépathie, si amplement et si patiemment étudiée par la Société anglaise des recherches psychiques, a certainement des affinités avec tous les phénomènes qui précèdent et notamment avec le dernier dont elle diffère surtout par deux caractères principaux : en premier lieu, elle se produit toujours spontanément, tandis que la double vue est presque toujours provoquée par un expérimentateur ; en second lieu, elle met plutôt en relief l'action de l'objet perçu, tandis que la double vue nous ramène plutôt à considérer la connaissance manifestée par le sujet percevant. Il semble que dans la télépathie ce soit, pour ainsi dire, l'objet qui aille trouver le voyant, et que dans la double vue, ce soit an contraire le voyant qui aille trouver l'objet mais on se rend compte sans peine que, dans bien des cas, la nuance est assez difficile à saisir.
Telles sont, sauf erreur ou omission, les principales formes caractéristiques de la métagnomie perceptive.
La mémoire, ou du moins la connaissance du passé, peut, elle aussi, revêtir l'apparence supranormale. On a donné le nom, d'ailleurs tout à fait impropre, de psychométrie, à cette faculté que possèdent certains médiums de retracer des séries plus ou moins considérables d'événements passés étrangers à leur expérience personnelle, soit en présence d'individus que ces événements concernent d'une façon plus ou moins directe, soit au contact d'objets ayant joué dans ces événements un rôle quelconque. Une partie de ces effets semble, d'ailleurs, pouvoir se ramener à la divination de pensée, toutes les fois que le médium peut lire dans la mémoire des individus où le souvenir des événements qu'il retrace est conservé à l'état latent. Mais le cas parait tout différent et plutôt comparable à une sorte de double vue dans le temps ou de télépathie temporelle, lorsque le médium, sous la seule influence d'un objet ou du lieu où il se trouve, est comme transporté en esprit dans le passé et assiste immédiatement à des événements depuis longtemps écoulés, ainsi qu'il advint à ces deux dames anglaises qui, visitant Versailles en 1901, revirent le Petit Trianon tel qu'il était au temps de Marie-Antoinette.
L'avenir, qui nous paraît indéterminé, du moins dans la mesure où il dépend de notre volonté, peut-il être aussi l'objet d'une sorte de vision immédiate ? Peut-il devenir présent pour l'esprit d'un médium ? Question redoutable au point de vue philosophique et moral, puisque la question de notre libre arbitre et de notre responsabilité morale y est elle-même impliquée. Et cependant on trouve plus d'un exemple de prévisions et de prémonitions inexplicables par les facultés normales d'induction et vérifiées par l'événement. Il nous suffira de citer le cas du docteur Geley, d'Annecy, qui, étant en 1894 étudiant en médecine à Lyon, le 27 juin, à 9 heures du matin, pendant qu'il travaillait dans sa chambre avec un camarade, fut tout à coup distrait de son travail par cette pensée obsédante :
« M. Casimir-Perier est élu président de la République par 451 voix » et celui que le docteur Osty rapporte ainsi dans son livre Lucidité et intuition, d'après le récit même de la voyante (p. 283).
Il y a un an, je fis cette prédiction à un monsieur qui venait me consulter pour 1a première fois : « Je vous vois » sur le point de partir en voyage à travers les mers... en Amérique probablement ; je vous vois sur le paquebot, triste et isolé, mais vous ne partirez que plus tard, plusieurs bateaux quitteront auparavant pour la même destination le port où vous vous embarquerez ». Et ce monsieur m'objecta de suite : « Je vais, en effet, quitter la France et pour aller en Amérique : J'admire votre clairvoyance ; mais vous me dites deux choses parfaitement improbables, d'abord que je ne prendrai pas le premier paquebot, or, j'ai mon billet en poche et tout est prêt pour que je parte après-demain. Puis, que vous me voyez triste et isolé ; or, je partirai avec ma femme et si un motif quelconque la retenait en France, mon voyage serait nécessairement supprimé. » Hier ce monsieur est revenu et m'a dit : « Votre présage ne s'est que trop bien confirmé. Le lendemain du jour où je suis venu vous consulter, ma femme a été brusquement prise d'une pneumonie dont elle est morte quelques jours après. Puis désemparé, j'ai quitté la France et je fus bien, en effet, sur le bateau un passager triste et isolé. »
Il nous faut maintenant passer en revue les principales circonstances ou conditions dans lesquelles la clairvoyance ou métagnomie se manifeste sous l'une ou sous l'autre de ses différentes formes.
Bien qu'elle surgisse parfois - et d'une façon brusque et spontanée - dans l'état de veille, sans que l'équilibre habituel des facultés mentales et physiologiques de la personne paraisse le moins du monde altéré (surtout dans les cas de télépathie), elle semble bien avoir quelque liaison avec des états particuliers du système nerveux plus ou moins analogues au sommeil, hypnose, extase, transe, etc., ou même avec le sommeil proprement dit.
Les croyances populaires attribuent à certains rêves une signification prophétique, et l'on trouve en particulier dans Cicéron le récit du songe de cet Arcadien qui vit coup sur coup son ami d'abord menacé de mort, puis assassiné, et arriva à temps aux portes de la ville pour arrêter la charrette dans laquelle les meurtriers emportaient le cadavre caché sous un tas de fumier.
Mais c'est surtout dans le somnambulisme, naturel ou provoqué, que l'on observe le plus souvent des manifestations métagnomiques, à tel point que dans le langage courant, somnambule et voyant ou voyante sont à peu près synonymes. Très souvent la clairvoyance se révèle au cours d'un accès de somnambulisme naturel, et l'individu chez lequel cette faculté est ainsi apparue spontanément se trouve amené à la développer dans la suite au moyen des pratiques du somnambulisme artificiel.
Tel fut, croyons-nous, le cas du fameux somnambule Alexis qui eût mérité d'être étudié avec le plus grand soin, sans le fâcheux parti pris qu'ont les savants de considérer tous les phénomènes de ce genre comme indignes de leur attention.
Tel fut, plus récemment, le cas observé par le docteur Terrien et présenté par lui dans une communication faite à la Société de médecine de Nantes dans le courant de l'année 1914. Il s'agit d'une jeune fille de 14 ans qui, pendant qu'elle travaillait chez lui à la couture, s'endormit spontanément et se mit à raconter tout ce que faisait à ce moment le docteur, parti pour visiter un seul malade, et mis en retard par trois autres visites tout à fait inopinées. « Elle a donné, disait la personne témoin de cet accès de somnambulisme, les raisons du départ, les visites supplémentaires, les noms des malades, etc. Sans oublier ce dernier détail qu'un cultivateur, instruit du passage du docteur, l'attendait sur la route, guettant son retour. »
Souvent aussi c'est le magnétiseur ou hypnotiseur qui évoque en quelque sorte la faculté métagnomique en faisant au sujet endormi la suggestion impérative de voir telle personne ou tel objet ; mais pour avoir l'idée de faire une pareille suggestion, il faut évidemment savoir, où tout au moins croire, que la métagnomie est possible. C'est faute de cette science ou de cette croyance que les expérimentateurs imbus des doctrines de la science officielle passent à côté de ce phénomène sans le voir, alors qu'il existe bien souvent chez leurs sujets à l'état de possibilité latente, n'attendant que leur appel pour se montrer. Quoique partisans exclusifs de la suggestion, ils ignorent un de ses pouvoirs les plus remarquables, le pouvoir évocateur de la métagnomie, on même le nient comme inexplicable pour la science, oubliant que la science n'est pas davantage en état d'expliquer ce pouvoir curatif de la suggestion dont aucun d'eux ne doute un seul instant.
Remarquons d'ailleurs que l'action suggestive a presque toujours besoin d'être complétée par celle de certains objets, qui peut même parfois la suppléer. Pour diriger sa double vue sur une personne déterminée, le sujet doit être en rapport avec cette personne par un contact direct avec elle ou avec un objet qui lui ait appartenu, qui soit pour ainsi dire imprégné de sa personne, une touffe de ses cheveux, un de ses vêtements, une lettre écrite par elle, etc. Bien mieux, le sujet peut, sans l'aide d'aucune suggestion étrangère, se mettre lui-même en état de clairvoyance, soit en regardant fixement dans un cristal (c'est ce que les Anglais appellent cristal gazing) ou dans une simple carafe d'eau, comme celle dont se servait, dit-on, Cagliostro, ou dans un « miroir magique », soit par tout autre procédé de son choix. N'est-il pas naturel de supposer que la baguette et le pendule jouent à peu près le même rôle dans le développement de la métagnomie spéciale des sourciers ? Et, si les lignes de la main, les cartes, le marc de café, etc., ont réellement quelque vertu, ne consiste-t-elle pas surtout dans la propriété qu'ont ces objets de provoquer chez le médium la mise en train de sa double vue naturelle ?
Enfin l'apparition de la clairvoyance paraît liée, d'une façon encore assez mystérieuse, à certains ensembles de croyances et de pratiques qui déterminent sans doute chez leurs adeptes un état mental et nerveux particulier, évocateur des facultés métagnomiques. Ainsi, l'histoire des religions, surtout dans les périodes de genèse ou de crise religieuse, nous offre de nombreux exemples de la clairvoyance sous toutes ses formes, pénétration de pensée, double vue, télépathie, prophétie, etc. Pareillement, la métagnomie se produit très fréquemment au cours des séances spiritiques. Des faits inconnus du médium, parfois aussi des assistants, et relatifs tantôt à des objets et à des événements présents, tantôt au passé, tantôt même à l'avenir, sont révélés soit par l'intermédiaire de la table ou de la planchette, soit au moyen de l'écriture automatique, soit par la parole du médium intransé ; et ces révélations se donnent elles-mêmes comme provenant d'une personnalité distincte de toutes celles des participants de la séance, d'un esprit capable de percevoir dans des conditions absolument différentes de celles qu'impose aux êtres humains en cette vie l'organisation matérielle de leurs sens et de leur cerveau, par suite comme manifestant ce qu'on pourrait appeler une « métagnomie transcendante ».
En présence d'un amas de faits aussi extraordinaires, le premier mouvement de notre intelligence est de nier ou de douter ; et lorsqu'elle se voit forcée d'en reconnaître la réalité, du moins en ce qui concerne quelques-uns d'entre eux, elle ne peut s'empêcher d'en demander aussitôt l'explication. Comment de tels phénomènes sont-ils possibles ? Voilà la question qu'elle se pose avec insistance et elle s'étonne, elle s'impatiente de n'y pas recevoir de réponse, à moins qu'elle ne se satisfasse précipitamment de la première apparence de solution qui lui est offerte.
Or, comme nous l'avons dit ailleurs, le véritable esprit scientifique consiste à se désintéresser, au moins provisoirement, du besoin d'explication, et à se réduire volontairement à la seule recherche, lente, persévérante, obstinée, du déterminisme des phénomènes. Aux yeux du savant, la théorie la plus ingénieuse, la plus intrinsèquement cohérente, est par elle-même sans valeur et sans intérêt, elle constitue même pour la science un obstacle et un danger, si elle aide seulement l'esprit à se représenter les faits déjà connus d'une façon qui lui plaise et le dispense, en satisfaisant sa curiosité, de toute investigation ultérieure. La seule raison d'être, nous ne disons pas des théories ; mais des hypothèses dans toute étude expérimentale, c'est de rendre possible la découverte de faits encore inconnus en permettant d'instituer des séries d'expériences nouvelles ; et ces hypothèses doivent toujours conserver le caractère non d'explications, au sens précis de ce mot, mais de simples interprétations, toujours sujettes à révision et à contrôle.
En général, les explications ou interprétations qu'on a essayé de donner des phénomènes métagnomiques consistent à ramener toutes les formes de la clairvoyance à l'une d'entre elles (celle que l'auteur de l'explication ou interprétation a plus particulièrement, sinon exclusivement étudiée) et à considérer celle-ci, tantôt comme un fait premier, comme une loi incontestablement établie par l'expérience, tantôt comme une induction extrêmement probable, qui s'impose par son analogie avec d'autres lois acquises déjà à la science, tantôt enfin comme une déduction nécessaire d'une théorie dogmatiquement affirmée.
Ce dernier cas est celui d'un certain nombre de spirites qui, admettant l'existence des esprits et leur intervention dans les choses de ce monde comme une vérité certaine, attribuent, en effet, aux esprits non pas seulement les faits de « métagnomie transcendante ou spiritoïde », mais en général tous les faits de connaissance supra-normale, sous quelque forme, et en quelque circonstance qu'ils se produisent. La clairvoyance des sujets et des médiums leur viendrait toujours d'un foyer extérieur et supra-terrestre : ce serait toujours une révélation émanant de l'au-delà.
Plus en faveur auprès de la majorité des psychistes contemporains est l'explication qui ramène toutes les formes de la métagnomie au fait de la pénétration de pensée ou suggestion mentale. Ce fait paraît désormais suffisamment prouvé par l'observation et l'expérience, et on croit pouvoir l'ériger en loi, susceptible d'expliquer toute la diversité des cas particuliers. Il suffirait donc d'admettre qu'il existe une possibilité d'intercommunication des esprits qui aurait elle-même, sans doute, pour condition nécessaire une intercommunication des cerveaux ; et on rendrait compte ainsi non seulement de la psychométrie, mais encore de la télépathie et de la vision à distance. Exprimée en termes d'ordre physique, l'hypothèse revient à admettre que chaque cerveau humain émet des radiations spéciales corrélatives à ses pensées conscientes ou inconscientes, des rayons susceptibles d'être arrêtés au passage par un autre cerveau, et d'y reproduire les pensées du premier, susceptibles aussi peut-être d'impressionner des objets matériels et de s'y emmagasiner comme des vibrations sonores s'emmagasinent dans les disques d'un gramophone. Mais il n'y a pas dans cette hypothèse de vision métagnomique directe des objets matériels. « La lucidité, dit, le docteur Osty, n'est pas un phénomène monopsychique. Sa production nécessite le jeu harmonieux de deux cerveaux, l'un fournissant sa force psychique, et l'autre sa sensibilité exceptionnelle réagissant à l'excitation reçue et la reconstituant sous sa forme primitive de pensée. »
Les anciens magnétiseurs admettaient au contraire deux formes distinctes de la métagnomie : l’une subjective, la pénétration de pensée, l'autre objective, la vision à distance. Ce ne sont pas seulement les cerveaux humains qui émettent des radiations métagnomiques, ce sont tous les objets de la nature. Aux rayons C qui mettent les cerveaux en relation les uns avec les autres, il faut joindre les rayons O qui mettent les objets en relation avec les cerveaux ; ceux-ci et ceux-là étant les formes jumelles d'une même énergie, de nature encore inconnue, celle que Reichenbach nommait od ou odyle. Ainsi chaque cerveau humain serait comme un centre où arriveraient des rayons partis de tous les autres cerveaux et de tous les points de l'univers, et aurait la possibilité, grâce à cette intercommunication universelle, de percevoir ce qui se passe en tout esprit et en tout lieu. Faute de conditions nécessaires, cette possibilité reste habituellement latente ; que ces conditions se réalisent, la métagnomie apparaît. Ce mécanisme naturel n'est ni plus ni moins merveilleux que celui qui rend possibles la télégraphie et la téléphonie sans fil.
A quoi bon cependant se complaire et s'attarder dans ces vues grandioses, mais vagues et problématiques ? A tous ceux qui désirent hâter l'accession des études psychiques dans le domaine de la science, une tâche plus urgente s'impose : recueillir une telle masse de faits authentiques et concordants que le scepticisme le plus opiniâtre soit forcé de se rendre à l'évidence et en tirer par la classification, l'analyse et l'expérimentation, les éléments dont nos arrière-neveux composeront peut-être un jour l'explication définitive.
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Documentation
Le 05/07/2016
Le Tarot : origines, histoire, symboles, interprétations.
Depuis de nouvelles cartes ont été éditées ; l'abondance et la diversité de ses jeux surprend d'autant plus que chacun de revendiquer un contenu ésotérique spécifique ou de se réfèrer à une démarche initiatique particulière. On peut se demander si chaque auteur, en concevant un nouveau Tarot n'est pas animé par le désir secret d'exprimer quelques fantasmes personnels. Cela s'explique fort bien si on entend par fantasme, à l'instar du Dictionnaire Le Petit Robert : « toute production de l'imagination par laquelle le moi cherche à échapper à l'emprise de la réalité », l'une des fonctions du Tarot étant d'ouvrir une porte ouverte, au-delà des références visuelles représentées sur les cartes, vers un monde détaché de l'emprise du quotidien et de ses conditionnements.
Toute science divinatoire est contrainte de passer par cette porte étroite : ramener d'innombrables données à la douzaine de hasards que l'homme croise presque obligatoirement au cours de sa courte vie.
En Chine, un texte, rapporte que 32 tablettes d'histoire furent présentées à l'empereur par un officier de la cour vers 1120. Les unes étaient relatives au Ciel, d'autres à la Terre, certaines à l'Homme, le plus grand nombre des notions abstraites comme la chance ou les devoirs du citoyen.
Le souverain les aurait fait reproduire et répandre dans tout l'empire. Le jeu comptait en réalité que 30 cartes : trois séries de la flamme chacune des trois atouts, qui sont les cartes nommées respectivement « 1000 fois digne », « la fleur blanche » et « la fleur rouge ». Sur les cartes cosmiques sont dessinées quatre marques rouges correspondants aux points cardinaux et sur les cartes humaines, 16 marques correspondant aux vertus dites, elles aussi par analogie, Cardinal (bienveillance, justice, ordre et sagesse), chacune exprimait quatre fois. La somme des marques du jeu résume le nombre des étoiles. Le jeu est alors un microcosme (l’Homme), un alphabet d'emblèmes, qui couvre l'univers (macrocosme).
De cette tendance encyclopédique apparaît non moins clairement dans les jeux indiens de l'époque Moghol (TAJ MAHAL), aux XVème et XVIème siècles, tout aussi systématique, mais plus étroitement tributaires de la théologie et comportant juxsqu'à 120 cartes.
On trouve à la fin du XVIème siècle, 50 ans environ après la mention des jeux indiens, une trace en Perse avec la description un jeu de 144 cartes, comprenant 12 séries de 12 lames. Le jeu fut réduit ensuite à 96 cartes soient 8 séries de 12 cartes.
On admet aujourd'hui que ce jeu est une adaptation islamique d'un jeu indien de 120 cartes, divisé en 10 séries de 12 lames chacune, correspondant aux 10 incarnations ou avatars de Vishnou et illustrés de leurs symboles respectifs.
L'iconographie des cartes varie avec les centres de fabrication. Ce jeu est nommé DASARAVATARA. Il est encore joué aujourd'hui en Inde.
La luxuriante mythologie des Naïbi, cartes connues en Italie depuis le XIVème siècle sont une sorte de mémorandum des connaissances utiles. Elles se composent de 50 images réparties en 5 séries de 10 lames. Les 4 séries correspondent aux âges de la Vie, aux Muses, aux Sciences et enfin aux Planètes.
La cinquième série de cartes est hiérarchisée selon l'organisation de la société médiévale avec la représentation des pouvoir suprême, temporel et spirituel, illustrés par ses différents membres avec le marchand, puis le gentilhomme, le chevalier, le docteur, le roi, et enfin l'empereur et le pape.
Les cartes de points, numérotées de un à 10, comprennent les quatre séries qu'on retrouve dans les jeux existants encore aujourd'hui en Espagne et en Italie (La Copa) et ayant pour figure des coupes, des épées, des deniers (= pièces de monnaie) et des bâtons. Ces enseignes passent pour faire allusion respectivement au clergé (la coupe est le calice), à la noblesse (les épais), aux commerçants (les deniers) et aux paysans (les bâtons).
Un traité paru à Venise en 1545 propose une autre explication : « les épées rappellent la mort de ceux qui se désespèrent au jeu ; les bâtons indiquent le châtiment que mérite ceux qui trichent ; les deniers montrent l'aliment du jeu ; enfin les coupes, le breuvage dans lequel s'apaisent les disputes des joueurs ».
Les Naibi semblent avoir fourni les arcanes majeurs, au nombre de 21, sans compter le Mat, lame non numérotée. Les 78 lames du tarot demeurent l'instrument par excellence (préféré et prestigieux) des cartomanciennes. Suivant le mode de tirages adoptés ont utilisé les seuls arcanes majeurs ou le jour du. D'ordinaire, la voyante étale devant le client les 22 arcanes majeurs retournés et lui ont fait choisir 12 qu'elle dispose, en conservant leur ordre, dans 12 emplacements appelés « maisons ». Elle mêle ensuite les arcanes restants aux cartes de points et recommence l'opération. Chaque maison est donc pourvue de deux lames. La première lame de chaque maison est censée révélée le principe qui commande la maison, la seconde lame de chaque maison est censée révélée les réactions éventuelles et les événements à venir. Les 12 maisons sont respectivement les domiciles de la vie, les biens, de l'entourage, de l'hérédité paternelle, des enfants, de la servitude, c'est-à-dire les serviteurs et les animaux domestiques (non chevauchables), du conjoint, de la mort, de la religion, des honneurs, des amis, des afflictions. Chacune correspond en outre à une partie du corps.
L'ensemble englobe tout ce qui peut survenir au cours de l'existence.
L'origine astrologique de ce cadre est évidente. Les 12 maisons sont ailleurs calquées sur les influences zodiacales (cf. Illustration jointe en annexe).
Quant aux cartes elles-mêmes, particulièrement pour les arcanes majeurs, elles ont fait l'objet des plus diverses faisaient subtiles exégèses.
Les emblèmes des cartes : sont assimilés aux quatre éléments : les épées à l'air (car l'épée tourbillonne dans l'air), les bâtons au feu (ils sont issus du bois, lequel s'enflamme), les couples à l’eau (elles contiennent des liquides), les deniers à la terre (ils sont faits des métaux qu'elle recèle). Mais ce n'est pas assez : les épées symbolisent en outre la volonté et la puissance, les bâtons le travail et les devoirs d'État, l'énergie matérielle et la fécondité, les coupes l'amour et le mysticisme, l'élaboration intime des richesses spirituelles, les deniers enfin les connaissances et l'art combinatoire, toute industrie créatrice qui aménage le monde extérieur. On n'en finirait pas d'énumérer les enseignements superposés que les 22 figures majeures sont censés véhiculer.
Il n'est pas de science conjecturale de doctrine ésotérique (l'astrologie par exemple),qui n'ait été mise à contribution pour en éclaircir ou pour en épaissir le mystère. Cette vue disparate a fait couler beaucoup d'encre. On n'y découvre le langage hiéroglyphique universel, ainsi COURT DE GIBELIN, Au XVIIIème siècle y déchiffra les trésors de la sagesse traditionnelle. L'égyptomanie de la première moitié du XIXème siècle à la suite de l'expédition en Égypte de Napoléon BONARPE, prétendit identifier les symboles en cédant du zodiaque de DENDERAH.
Les occultistes modernes tels Eliphas LEVI (1810-1875), le Docteur Gérard ENCAUSSE alias PAPUS (1865-1916), Stanislas DE GUAÏTA (1861-1897), Oswald WIRTH (1860-1943) enfin, interprétèrent chaque détail et la couleur de chaque détail. Tout revêtit une signification cachée et initiatique.
C'est un fait, outre les représenttaions dela société de l'époque, les cartes semblent constituer un ensemble composite voisin des images d'origine biblique : le Jugement ( Lame XX, cf. annexes) Dernier, la Maison Dieu (Lame XVI, cf. annexes), qui s'apparente fort à la Tour de Babel, le Diable (Lame XV, cf. annexes), des Vertus prônées par l'Eglise : la Justice (Lame VII, cf. annexes), la Force ( Lame XI, cf. annexes), la Tempérance (Lame XIIII, cf. annexes) certains astres accompagnés de signes du zodiaque : la Lune (Lame XVIII, cf. annexes) avec le Cancer, le Soleil (Lame XVIIII, cf. annexes) avec les Gémeaux, l’Etoile (Lame XVII, cf. annexes) surmontant le Verseau, les deux grandes puissances du temps, le Pape (Lame V, cf. annexes) et l'Empereur (Lame IV, cf. annexes), avec l'Aigle ou la Tiare, et chacun flanqué d'une épouse (Lame II et Lame III, cf. annexes), fantaisie, irrévérence (La Papesse a un symbole phallique en travers du torse !) au besoin de symétrie ?
Sur l'arcane qui figure le Monde (Lame XXI, cf. annexes), on reconnaît les symboles des quatre Evangélistes (cf. annexes).
Les allégories de l’Amour et de la Mort sont classiques.
Le Pendu (Lame XII, cf. annexes) et la Roue de la Fortune (Lame X, cf. annexes) se rencontrent fréquemment dans l'imagerie médiévale.
L'Hermite (Lame VIIII, cf. annexes) avec sa lanterne évoque sans doute Diogène.
Les apostrophes les plus connus qui lui sont attribués sont : « Je cherche un homme » (parfois traduit par « Je cherche l'Homme » ou par « Je cherche l'Homme vrai ») phrase qu'il répétait en parcourant la ville avec sa lanterne, et « Ôte-toi de Son soleil » en réponse au roi de Macédoine Alexandre le Grand, était venu demander s'il avait besoin de quoi que ce soit…
Je reconnaîtrai volontiers Alexandre dans le triomphateur couronné revêtis une armure qui trône sur le Chariot (Lame VII, cf. annexes).
Le Chariot peut aussi être le Maassé Merkava ou « Char Céleste » décrit dans le premier chapitre du prophète Ezéchiel, visant à permettre à l’adepte une expérience de rencontre avec le divin : expérience d’extase et de montée vers les cieux, via l’Echelle de JACOB (cf. annexes) et que l’on voit aussi en annexe sur une Lame figurant le pendu avec 7 barreaux, le Pendu étant sur le 7ème. Il s'agit bien entendu d'Alexandre le Grand, 356-323 avant Jésus-Christ, roi de Macédoine est l'un des personnages les plus célèbres de l'Antiquité.
Il était fils de Philippe II lui-même élève d'ARISTOTE (384-322 avant Jésus-Christ) et roi de Macédoine il devint l'un des plus grands conquérants de l'histoire faisant de son petit royaume le maître de l'immense empire perse achéménide et s'avança jusqu'aux rives de l'Indus et fonda près de 70 cités, dont la majorité portèrent le nom d'Alexandrie.
La vogue d’Alexandre était précisément considérable à l'époque du moyen âge et de la création des jeux de cartes. Avec Diogène ils forment un couple légendaire où s'opposent le dénuement dédaigneux et la grandeur terrestre.
La première lame, le Bateleur, qui rappelle le célèbre tableau de Jérôme BOSCH (Peintre flamand, 1453-1516), l'Escamoteur (cf. annexes), appartient également au répertoire des allégories du temps. Elle commande tout le jeu. Sur la table du baladin, les accessoires qu'il a tirés de son sac, joint à la baguette qu'il brandit, renvoi, semble-t-il, aux 4 enseignes des cartes de points : des pièces de monnaie pour les deniers, des gobelets pour les couples, un couteau pour les épais, la baguette pour les bâtons.
Au centre, les dés, pour que le joueur ou le consultant d'oublie pas que la distribution des cartes dépend du Sort. Le dernier arcane, le Mat ou le Fou, sorte de vagabonds avec un mâtin (personne délurée, espiègle) à ses chausses, souvent rapproché une autre toile du même Jérôme Bosch, l'Enfant Prodigue (cf. annexes), ne fait pas partie de la série numérotée. Une carte libre, vagabonde, elle aussi, polyvalente. On pouvait sans doute l'ajouter à n'importe quelle combinaison qu'on avait intérêt à développer : sorte de Joker avant la lettre, ultime concession au surcroît de triomphe, chance à l'intérieur de la chance même et inconnue subsidiaire qui corrige l'inconnu repéré.
Le nombre des arcanes varie avec les jeux.
Un ancien tarot florentin comprend 35 lames numérotées : on n'y reconnaît les trois vertus théologales, les quatre éléments, les 12 sites du zodiaque, etc. En un mot, quel qu'en soit le nombre et la composition, la suite des symboles est constituée à l'aide des images parlantes les plus répandus. Les symboles sont indifféremment d'origine laïque ou ecclésiastique, paillettes aux chrétiennes, savantes populaires. L'essentiel semble bien d'obtenir une « totalité » qui enferme l'univers.
Oswald WIRTH conclut son « Introduction à l'étude du Tarot » de la façon suivante : « les jeux exercent. Ceux de l'esprit développent de précieuses facultés. User des 22 arcanes du tarot pour jouer la divination ».
Ainsi recommande-t-il ce jeu sur un jeu comme un excellent entraînement à imaginer juste. Je me suis souvent demandé, et bien avant de connaître ce conseil de lecture, ce que pouvait être l'imagination juste : c'est réunir, autant que faire se peut, les conditions de la conjecture heureuse.
Les éléments représentés, les signes imagés s'adressent souvent une certaine catégorie de personnes mais sont rarement indifférentes aux autres car il puise dans le réservoir de la tradition universelle.
Les différences de culture ou d'éducation nous rendent plus sensible à certaines « formes » mais les voix restent parallèle à la réalité profonde du Tarot, à son essence, résidant dans sa structure, dans son rythme : les archétypes sont sans doute « nombres » plutôt « qu'images » c'est-à-dire que ce sont des principes abstraits et non pas les apparences de la réalité. Ceci nous permet de dire que tout ce qui particularise l'image ne gêne pas, a priori, la fonction de ce qui est essentiel dans le Tarot : sa structure et les systèmes possibles d'organisation qui en découlent.
Les différents détails qui personnalisent l'image permettent, au contraire, par un langage approprié à une certaine catégorie d'individus, de comprendre l'essence même du jeu, laquelle rejoint le fondement de la tradition.
Parmi tous les jeux Tarot connus, l'un deux reste une référence généralement admise : il s'agit du Tarot dit « de Marseille » car imprimé dans cette ville par FAUTRIER ou par Nicolas CONVER en 1761 il fut édité ensuite par les éditions Paul GRIMAUD.
C'est ce même Tarot de Marseille que le franc-maçon Oswald WIRTH a redessiné et expliqué sous l'appellation tendancieuse de : « Tarot des imagiers du Moyen Âge », signifiant par là qu'il cherchait à reconstituer les fondements originaux des formes et des couleurs.
Il y eu aussi le tarot NOBLET conçu au milieu du XVIIème siècle ; le tarot de Jean-Pierre PAYEN en 1713 et le tarot flamand de VAN DEBORRE en 1780.
Au commencement étaient les 22 lettres des alphabets sacrés. Les adeptes remarquèrent qu'il était possible de les tirer au hasard pour, entre en résonance radiesthésie, décrit les états cachés ou l'avenir du monde. Cela reste à déposer dans le secret, consignées dans le savoir des marges (les voyelles désignaient la lumière nommée Dieu, les consonnes désignent la globalité de la création).
Un moment, en Orient, l'idée du jeu de cartes apparues, sous la forme de symboles non reconnaissables à l'envers et portant une certaine valeur à l'endroit. Par les routes commerciales le jeu de cartes se diffusa. La fabrication de ses collections de symboles reste affaire de spécialistes, les enlumineurs qui empruntaient des images ou en adaptaient d'autres pour confectionner des jeux de cartes sur mesure. Les collections de vues de sujets furent maintes fois comparées, affinant leurs thèmes et en figeant certains (il nous en reste quelques magnifiques premiers Tarots italiens) parfois sur la demande profane d'une clientèle, en rupture donc avec la tradition.
À un certain moment, les 22 lettres furent introduits dans le système de symboles des cartes. On leur avait trouvé des correspondances dans l'imagerie déjà connue, afin de les cacher et de les dissimuler dans l'exothermique. C'est cette combinaison qui connut le succès, dans son usage ludique, tandis que l'autre usage, la divination, rester affaire de spéculation.
L'arrivée du papier déclencha l'apparition en masse de ce système qui, du coup, échappa au spécialiste. C'est à partir de cette rupture historique que commencèrent les premières déviances, et aussi les premières tentatives de perception de l'essence du système.
L Tarot adopta la mode européenne pour habiller ses personnages, lorsque quelques graveurs ajoutèrent de légers détails du XVème siècle aux tuniques des manteaux des illustrations précédents.
Les figurations du tarot dans sa forme quasi parfaite, merveilleusement étonnante, combine les influences pythagoriciennes, cabalistiques (elle-même apparue tardivement hors de la Tradition), et d'autres traces du grand occultisme tel qu'il avait pu pour survivre en Orient en Occident après l'éradication par l'Eglise (qui les taxa d'hérésie) des gnoses néoplatoniciennes, des Mystères et autres savoirs antiques.
Aucun jeu du Tarot dit « de Marseille » nous a été conservé depuis la Renaissance même si on a deux séries incomplètes de tarots peints à la main dit « tarot des SFORZA-VISCONTI ». Cependant, il a été démontré qu'à cette époque du milieu du XVe siècle, un peintre comme Sandro BOTTICELLI (1445-1510), a utilisé les formes du Tarot de Marseille pour construire ses compositions.
Le lecteur vérifiera dans la planche que par exemple dans ces mêmes années Jérôme BOSCH peignit de magnifique représentation du Mat (cf. annexes). Ce qui signifie que les formes du tarot étaient déjà présentes à cette époque, soit plusieurs siècles avant les plus anciens jeux actuellement conservés.
Le mot tarot paraît provenir de tarocchi, non des plus anciens jeux italiens, succédant au début du XVIe siècle au trionfi qui désignait les 22 arcanes majeurs.
On pense aussi au mot « tarotées » qui désignaient les cartes dont le dos était marqué de grisaille, réalisé souvent à l’aide d’un stylet à l’or fin.
Monsieur Jean-Baptiste DE LA CURNE DE SAINTE-PALAYE (1697-1781) son « Dictionnaire historique de l'ancien langage français » en 1749, écrit que « Taraut ou tarot est la carte dont le dos est marqué de grisaille, en compartiments ; elles sont de plus graver d'autres figures que les cartes ordinaires ».
Pour Antoine COURT DE GEBELIN (1719-1784) dans son monumental « Monde Primitif comparé au Monde Moderne », volume VIII, Tome 1 en 1781, écrit que le tarot proviendrait des mots égyptiens tar (la voie) et ro (royal). Ce serait donc la « Voie Royale », ce qui n’est pas sans rappeler la royale pratiquée en franc-maçonnerie y aurait-il donc une relation entre tarot et franc-maçonnerie ?
C’est le but de la planche de ce soir que de montrer les parallèles qui pourraient exister entre les deux « phénomènes » initiatiques que sont d'une part le tarot d'autre part la franc-maçonnerie. (Pour plus d’info et lire l’extrait de l’ouvrage concerné, se référer à l’adresse mail suivante : www.tarock.infogebelin.htm ou demander le « forward » du fichier à l’auteur).
Mais sait-on que nos artistes les plus actuels n'ont pas craint de plier leur talent en exécuter une en exécutant de nouvelles représentations, établis à partir d'un prototype universellement connu, le tarot de Marseille ?
Ainsi Jean BAUCHARD entre 1974 et 1977 ou Frédéric LIONEL ont-ils dessiné et ouvragé des tarots ainsi Aleister CROWLEY ont-ils créé leurs propres tarots et les exemples modernes ne manquent pas dans la littérature la peinture ou la poésie.
Jean BAUCHARD est par ailleurs l’auteur d’un magnifique « Tarot des Alchimistes » et d'un non moins splendide « Tarot Maçonique ».
On ne peut pas dater précisément l'origine du jeu de tarot mais la structure du jeu est restée immuable : 78 cartes, nommé lames, tarots ou arcanes ; et parmi elles, 22 cartes richement et étrangement décorées, les arcanes majeurs.
Les 78 cartes du jeu sont donc répartis entre 22 arcanes majeurs et 56 arcanes mineurs. Fascinantes, ces lames qui toutes différentes et portent une numérotation, de I à XXI, avec lame non numérotée, la lame XXII ou O selon les auteurs; et tous les illustrateurs se plient à cette étrange convention.
Les noms des lames sont soit capricieux, soit poétiques, et ne sont guère modifiés depuis les origines et apparaissent toujours dans le cadre inférieur de la carte. On respecte même souvent l'ancienne numérotation romaine qui n'employait pas le système de retrait par rapport au chiffre principal et on continue d'écrire IIII est et non IV (cf. annexes). Pourquoi la 13ème lame n'a-t-elle pas de devises ? Secrètement on la nomme la Mort et les illustrateurs respectent cette coutume de ne pas donner de nom.
Les 56 cartes suivantes, les arcanes mineurs, se divisent en quatre séries de 14 cartes. Quatre couleurs, où enseigne, qui sont les bâtons, les épées, les coupes et les deniers. Dans ces 14 cartes, quatre figures honneur : le roi, la reine, le cavalier et le valet ; puis 10 cartes, allant de l’as au 10, aux dessins géométriques. Nous sommes déjà plus à l'aise car nous retrouvons nos jeux habituels avec les coeurs, les trèfles, les carreaux et piques ; mais nos jeux n'ont que 52 cartes, vallée des cavaliers ayant fusionné. Cependant les enseignes que sont bâtons, deniers, coupes et épées se retrouvent dans les jeux italiens et espagnols encore très populaires de nos jours, la Scopa (cf.annexes).
Le Moyen-Âge, riche en sa foi, est là avec son exubérance, son symbolique ; le tarot de même nature que la pierre taillée qui surgit dans l'ombre de l'église ; et le frère de la sculpture, du vitrail, de l'enluminure qui transmette la pensée car le livre n'est guère accessible, et les illettrés sont nombreux voir la majorité. Il ne serait pas invraisemblable qu'on ait cherché à diffuser une pensée ésotérique au moyen de ces cartes au format réduit, aux images récréatives d'apparence anodine. N'est-ce pas là la méthode employée par le bon Maître François RABELAIS (né entre 1483 et 1494, mort en 1553) qui, sous le rire, parle « docte manière » ?
Peut-être a-t-on voulu simplement reprendre une facture ancienne facilitant l'impression est ainsi diffusé ces cartes au moindre prix : on crée une matrice en bois ou en métal, à partir d'un dessin simplifié ou très précis, qu'on colore grâce au pochoir avec des couleurs franches et limitées qui répondent à un profond symbolisme.
L'artiste, en se pliant aux conventions « tarotiques », entend montrer sa conception artistique et d'une pensée philosophique, tout comme les littérateurs ont pu glisser leur vie en feuillets imprimés dans les personnes des troubles et envoûtant de Faust, Don Juan du Juif Errant, les interprétations prafois fantaisistes peut être de l'oeuvre picturale de Léonard De Vinci. Les arcanes reprennent donc des images gravées dans la pierre des querelles gothiques, comme le Christ en majesté au-dessus du porche d'honneur des églises (arcanes du monde) le pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle (le Mat), les allégories de la justice de la tempérance (le Campanile de GIOTTO, Notre-Dame de PARIS), les quatre évangiles représentés par des animaux fabuleux ou symbolique qui ornent le fronton de l'église Santa Maria DE TRASTEVERE à ROME (Vème siècle après Jésus-Christ) ou encore le Jugement Dernier, ou la Résurrection (Saint-Victor à Marseille), ainsi que le Christ en majesté au-dessus du portail nord de la cathédrale de Chartres.
D'emblée, le jeu semble s'ériger en dépose en dépositaire et en héritier d'une tradition religieuse et philosophique ancienne, à la fois cachée est à la fois révélée par la mise en scène de symboles, qui parlent un inconscient d'abord avant d'émerger dans l'esprit rationnel. La dénomination donnée au « lame » fait penser aux tables de bois sur lesquels on grave les oracles têtus. « Les arcanes » mettent sur la voie d'un sens caché. Enfin le jeu en son entier met en relation des hommes, des allégories, des astres et des dieux. Il s'agit donc d'un jeu mystérieux, hiérarchisées entrent d'une part un monde majeur, et un monde mineur, et classé d'autres parts dans l'ordre donné par les noms. Il est une rotation du monde humain dans ses relations avec le ciel. C'est un théâtre sacré où l'homme est acteur de son destin sous le regard des dieux.
Les premiers jeux de Tarot retrouvés et conservés (Tarot de Charles VI réalisé pour les comtes d’ESTE, les « Trionfi » de la famille VISCONTI-SFORZA de MILAN, Tarot de FERRARE) apparaissent dans les cours princières de l'Italie du Nord au XVème siècle vers 1430, dans le contexte précis du quattrocento italien. On ne sait pas vraiment comment se veut utiliser : s'agit-il d'un jeu philosophique, d'un enseignement secret, d'un oracle d'un simple jeu ? Seule certitude le Tarot n’est utilisé pour la divination que bien plus tard après son apparition.
On ne sait pas exactement quand apparaît le tarot de même que son origine mais on doit évoquer les Eliphas LEVI, dans son « Dogme et rituel de Haute Magie » écrit : « nous croyons que le tarot et l'ouvrage d'Hermès. C'est la clé de voûte de tout édifice des sciences occultes. Il existait avant Moïse les prophètes et Guillaume POSTEL le nomme la Genèse d’HENOCH ».
Le Tarot serait-il donc « le résumé symbolique la Tradition Primitive ? ». Mais si nous désirons connaître le moment précis où apparurent ces cartes, il faut se référer aux décrets et interdits de police qui pèsent sur ce jeu d'argent dont on trouve des traces en 1367 et en 1408, qui interdisent les jeux de hasard.
On trouve ainsi en 1367 une traces de prohibition édictée, sans doute pour des motifs religieux, dans le canton suisse de Berne. Il en fut de même en 1376 à Florence en Italie, en 1382 à Lille et en 1397 à Paris par une ordonnance du prévôt de cette ville de tolérance jeu que les jours de fête.
À cette époque, les cartes étaient désignés en Italie sous le nom de naibbes qu'on retrouve dans le nom naipes (cf. annexes) que les Espagnols utilisent encore de nos jours, mais on a d'autre part que le mon naibi donné à ces mêmes jeux pour les anciens arabes semblent procéder de la racine naib, qui est d'origine hindoustani (et qui signifie quelque chose comme lieutenant, capitaine, commandant, officier, maître, guide...), ce qui accrédite dans une certaine mesure la thèse selon laquelle le tarot aurait introduit en Europe par les gitans chassés de l'Inde par TAMERLAN, et plus précisément les gitans espagnols.
Cette question de l'origine du tarot explique aussi pourquoi dans la cartomancie et dans la géomancie ont utilisé les résultats du tirage des lames du tarot comme maître mot de la vie des gens à qui en est destinée l'interprétation puisque l'on parle de guide de commandant de mettre donc de quelque chose qui indique qu'il montre la voie et pourrait-on déduire sur le plan franc maçonnique quelque chose qui montre la lumière ?
Le tarot est ainsi vraisemblablement issu de la combinaison des Naibi et des cartes de points dont on a parlé plus haut.
Il existe des ouvrages passionnants sur le tarot, tous éclairant une partie du vrai on trouvera en bibliographie ceux utilisés pour la rédaction de cette planche.
En fait tout le monde a raison, parce que le jeu de Tarot et « multipiste », et présente une variété importante de portes d'entrée, mais résultants toutes d'une tradition commune.
Le point de départ, notre porte d'entrée dans ce jeu initiatique se fera à partir d'une simple question qu'est la suivante : pourquoi il explose à La Renaissance, exalte t-il les valeurs du Moyen Âge courtois et avant lui de l'Antiquité Classique ?
Ces figures énigmatiques en tout cas intriguent ; le mystère qui émane de chaque lame provient une étrangeté, de la somptuosité, de la variété des figures ? Est-ce l'effet de la numérologie ? Des couleurs ? Des légendes ?
Pourquoi tant de réalisations, tant de commentaires ?
Valentin BRESLE, dans sa préface à l'étude d’Edmond DELCAMP (« Le Tarot Initiatique », cf. Bibliographie), écrit que « La transmission des secrets initiatiques demeure assurée grâce aux lames de ce livre non relié, grâce à l'innocence des figures colorées naïvement, semble-t-il, mais dont la substance évocatrice est immortelle en sa quintessence. Je dis quintessence car le tarot est aussi, est surtout, Alchimique… ».
Il reste à découvrir la valeur de cet archétype, rechercher la cellule mère qui abreuve cet inconscient collectif, cette « structure absolue de » selon l'expression de Raymond ABELLIO, écrivain ET PHILOSOPHE français du XXème siècle.
Comment ne pas découvrir une permanence abstraite dans toutes ces variations ? Par leur valeur symbolique, ils sont supports à la méditation. Le voyant peut lire aussi bien dans la boule de cristal, les taches d'encre, le marc de café, que dans la géomancie ou la disposition des cartes. De toutes ces études, qui parfois peuvent paraître fort divergentes, il fallait établir une synthèse, comparer les principales d'entre elles par rapport au prototype, le tarot de Marseille. Le symbole peut être commandé selon le degré de conscience de chaque lettre en aura un reflet provenant du noyau universel. Chaque réflexion stimule notre pensée, nous aurions sur le chemin de la vérité et cette voix n'est valable que pour chacun d'entre nous. Les commentaires s'adressent à chaque incertain plus qu'à d'autres ; aucun système est supérieur à un autre, puisqu'il n'a pour but que de permettre une communication entre interprète, lame de ces demandeurs ; questions et commentaires sont établis à partir du même plan de référence, selon le même processus de la pensée. Ainsi toutes les significations se recoupent grâce à la compréhension magique des mêmes événements vus à travers des tempéraments différents. Le langage du tarot s'écarte de tout dogmatisme ou le transcende, car il est un bien universel. Chaque lame n'est qu'un point de repère, un jalon sur le chemin de l'intuition et peut-être, par cette clairvoyance, parviendrons-nous découvrir nous-mêmes.
Parallélisme des similitudes entre le Tarot et la franc-maçonnerie
La Tradition
Les origines profondes du Tarot, comme de la franc-maçonnerie, se trouvent (où se perdent, ceci étant une question de point de vue) dans le champ des mythes, alors hors de notre civilisation. De ce passé émerge des images, des comptes, des mythes ou légendes dont est pétri la pensée globale de chaque civilisation. C'est les gens nous les connaissons, les pressentons tout au moins, avant de les avoir entendu tant elles sont, par avance, inscrit dans nos gènes. Ces légendes, ses mythes proviennent d'une époque où la relation entre l'homme et la nature était plus évidente et réelle par le fait même que l'homme était alors directement dépendant de celle-ci, dans ses besoins vitaux essentiels.
La Tradition, n'est cependant pas une matière morte et les différents langages par lesquels elle e s'exprime (astrologie, alchimie, Tarot…) Le véhicule une pensée qui relie l'homme à l'univers en faisant de lui la mesure de toute chose, et suscite une philosophie qui enseigne, où renseignent, sur le sens de la vie même. Concernant le tréfonds de lettres, l'objet de la mythologie reste source de réflexion et sujets d'actualité. Cet objectif ne doit pas être confondu avec un folklore conservatiste : « …Il s'agit de l'origine même des choses. La tradition à la transmission d'un ensemble de moyens consacrés qui facilitent la prise de conscience de principe mais immanents d'ordre universel ».
Lors de période particulièrement troublée et stagnante au plan de l'évolution de l'humanité, la connaissance se perpétue au sein de quelques foyers protégés. Ainsi durant les siècles d'invasion ou de mutation vers l'Occident, au premier millénaire, les formes de Connaissance se conserveront notamment en Espagne, lié au monde méditerranéen, et en Irlande ; celle-ci, plus retirée, conservera dans et hors de ses monastères la couleur de la tradition Celte.
La Tradition occidentale bénéficiera de ce double courant : méditerranéen et nordique. Les formes de connaissances mises en jeu ne peuvent se transmettre que par communication. La communication suppose un échange, elle concerne les prémices d'un Art que lettre ne découvre que progressivement. Comment appeler cela, sinon l'initiation ?
Cette situation implique aussi une approche particulière qui ne peut se faire qu'en un lieu dans des conditions spécifiques. Pour cela les maçons, depuis le Moyen Âge est sans doute avant, se réunissent dans des locaux proches des chantiers, souvent simplement local qui sert de remise à outils : la loge du chantier.
La science de construire était fondée essentiellement sur la géométrie et pour développer de tels résultats il fallait, en chaque détail, une perfection quasi absolue dépassant de beaucoup le simple savoir-faire. Atteindre ce degré de perfection suppose une « connaissance » autre que seulement théorique. Une connaissance qui impliquait exige une totale adhésion de lettres et devient un art au sens plein du terme au Moyen Âge la notion d'art n'était pas liée aux connotations esthétiques sentimentales que l'on n'y met depuis le XVIIIème siècle surtout ; l'art était l'expression et la mise en application une connaissance intégrée, dominée par le praticien est totalement maîtrisée dans laquelle l'individu s'engageait totalement. Il en est ainsi des arts libéraux, aussi bien que de l'alchimie de la taille de la pierre…
Les racines de la franc-maçonnerie
Les loges deviennent aussi des lieux d'accueil pour les maçons, charpentiers et autres « œuvriers » qui se déplacent de chantier en chantier. Ces tribulations sont facilitées par les « franchises » obtenues par l'intermédiaire de l'ordre du temple dès le XIIème siècle. Ces franchises sont nécessaires pour libérer les ouvriers des tutelles et des servitudes imposées à la plupart des corps de métiers par les seigneurs ou par les cités.
Dans son ouvrage « Les sources souterraines de la franc-maçonnerie, Mithra et la Tarot » (cf. annexes) Charles IMBERT rapproche la franc-maçonnerie et le Tarot, en mettant en exergue leurs origines, semble-t-il communes : la statuaire et les symboles de la religion mithraïque, un temps concurrente du christianisme.
Il est aussi l’auteur des « Sources du tarot » également référencé en bibliographie. S’il est convenu que la franc-maçonnerie spéculative moderne a été inventée en 1717, il n’en est pas moins vrai que sa symbolique et nombre de ses concepts s’enracinent dans des traditions venant de beaucoup plus loin dans le temps.
Parmi celles-ci, le Tarot, apparu tel que nous le connaissons à la Renaissance. Mais le Tarot lui-même est issu de concepts de la religion mithraïque.
Celle-ci, bien qu’occultée depuis l’émergence du christianisme, a survécu de manière « clandestine » ; sa conception du monde perdure, malgré « l’orthodoxie », et est réapparue régulièrement à travers l’histoire. La franc-maçonnerie, selon l’auteur, est l’un des réceptacles de cette conception du monde. Cette recherche d’antériorité et cette évocation d’un très ancien état d’esprit s’appuient sur une démonstration érudite qui met à mal la vision matérialiste et « rationnelle » de la franc-maçonnerie.
En Italie, les prémices de la Renaissance se font déjà sentir : Pétrarque, depuis les collines Émilienne devient le centre nouvel humanisme et son poème « Le Triomphes » (Trionfi) inspirera sans doute les dessins de tarots qui furent peints pour la famille VICONTI-SFORZA qui demeurent parmi les plus anciens connus.
En cette période les sociétés et les modes de pensée sont en mutation partout en Occident comme l'attestent certains événements apparemment secondaires tels que l'apparition de la fourchette sur la table des bourgeois ; cet événement, bien que d'aspect dérisoire, répond à un besoin profond et correspond à une nouvelle attitude de lettres devant les choses.
Dans ces mêmes années encore, les fabriques de pâte à papier en fibres végétales vont s'installer en France et en Allemagne. La recette de la fabrication du papier avait suivi, depuis l’orient, la route de la soie ; elle était déjà connue en Italie depuis près d'un siècle mais son emploi ne s'était pas répondu jusqu'alors.
La xylographie (gravure sur bois) pour que l'édition des images puissent bientôt s'effectuer… Mais déjà les premiers jeux dessinés à la main apparaissent en Europe dans cette décennie, sans doute peu avant 1370 (Des cartes numérales existent cependant en Chine depuis le Xème siècle). Ces premières cartes occidentales représentent des séries de « Vertus », qui, dès l'origine ont toutes les caractéristiques que nous rencontrerons dans les atouts, ou arcanes majeurs du Tarot. À la fin du XIIIème siècle, Moïse de LEON avait rédigé le ZOHAR (Livre de la Splendeur). Le système de pensée de cet ouvrage développe une nouvelle approche du Dieu de la Création, et de la relation entre l'homme et le Dieu révélé. Cette pensée, qui n'est pas sans inspiration néoplatonicienne, se développe dans les milieux ésotériques et kabbalistes de l'Espagne du XIVe siècle puis se répand en France.
Parallèlement aux remous du siècle, on s'interroge sur les fondements, les mécanismes de l'univers et sur la place de l'homme dans ce vaste ensemble. Faute de connaissance physique et astronomique complète et précise, on imagine des systèmes métaphysiques qui, par le plan par leur splendeur, sont des miroirs vivants, à facettes multiples, de ce que la science découvrira plus tard et ne contredira pas (par exemple l'héliocentrisme avec Galilée).
Sous couvert de « Vertus », les images du tarot « projettent » ou « reflètent » cette tendance, comme nous le trouvons mentionné dans un traité de 1377, de Johannes VON RHEINFELDEN, et conservé au British Museum : « …Un certain jeu de cartes nous est arrivé qui décrit les conditions des temps actuels, et les aspects du monde… ».
La Renaissance est caractérisée par un élan vers un humanisme nouveau un prospect en toutes les formes de connaissances dont on explore les origines. On redécouvre et on étudie les textes de l'Antiquité.
Pic de la Mirandole est un des représentants types de cette prodigieuse avidité de connaissance qui les réunit dans ses « conclusions philosophiques, cabalistiques et théologique ». Il ne se contente pas d'accumuler à savoir, la réflexion qu'il porte sur celui-ci lui permet de développer de nouvelles théories, jugées hérétiques d'ailleurs exprimé dans ses « discours ». Ces théories portent sur l'idée du microcosme et parle de la dignité de l'homme.
L'Académie florentine, avec pour chef de file Marcile FICIN (1443-1499) diffuse elle aussi cette pensée qui voit en l'homme le pivot d'un monde constitué dans l'harmonie de toutes les parties, chacune liée et dépendante de toutes les autres.
Ces idées étaient déjà inscrites refléter dans maintes peintures, qu'elle soit de chevalet ou de décoration murale, inspirés ou développées parallèlement aux images du Tarot qui se répandent en Italie ; elles ont parfois beaucoup d'analogie avec le contenu sémantique des lames du Tarot.
Les fresques de la Schiffania de FERRARE en sont un magnifique exemple. Exécutés au milieu du XVe siècle par Francisco DEL COSSA, leurs enseignements dépassent la simple allégorie. Elles sont contemporaines des gravures dites « Tarot de MANTEGNA » qui sont des recueils de suite gravée ne formant pas de jeunesse sont, pour certains dessins, très proche du contenu des autres Tarots.
La première, intitulée « Misero » contient l'exacte symbolique du « Mat » et par ailleurs les autres cartes ou lames que sont notamment « l'Empereur », « la Papesse », « la Tempérance », « la Force », entre autres, reproduisent à l'évidence les arcanes correspondant aux jeux de Tarots. Les artistes rejoignent les philosophes et les scientifiques pour ouvrir le champ du savoir. Ils sont animés par le désir de transmettre leurs connaissances. Leur esprit a illuminé et enrichit profondément cette période. Cependant ils se heurtent souvent à l'incompréhension, voir à l'hostilité de ceux qui refusaient de sortir de doctrine imposée par l'autorité ecclésiastique.
Les sociétés secrètes
En conséquence, des mouvements plus ésotériques, les fraternités qui se protègent derrière le secret, se développe dès le début du XIIème siècle.
Des manifestes Rose-Croix, annonçant un nouvel âge de la Connaissance, sont ainsi publiés en France et dans les pays anglo-saxons au tout début de XVIIème siècle.
Dans les pays luthériens ou anglicans, on se montre particulièrement avide d'occultisme n'en est plus intéressé par les finalités mentales que par l'observation naturelle. On n'y associe la recherche de l'illumination et l'étude intellectuelle.
Valentin ANDREA (1586-1654), auteur présumé de : « Noces Chymiques de Christian ROSENCREUTZ », John DEE (1527- 1608 ou 1609), Robert FLUDD (1574-1637), Michael MAIER (1568-1622) et Francis BACON (1561-1626) sont les maîtres à penser d'un mouvement dont la base commune réside dans la recherche de la signification divine par l'interprétation du microcosme et du macrocosme, ceci grâce aux systèmes mathématiques de l'harmonie universelle.
Sans avoir le génie de ses prédécesseurs, Elias ASHMOLE (1617-1692) à recueilli leurs écrits. Comme il participe activement au mouvement Rose-Croix. On retrouve l'esprit de cette société dont certains des hauts grades de la franc-maçonnerie à laquelle ASHMOLE fut affilié dès 1646 dans une loge de Warrington assez proche de l'Écosse.
Dans les loges du Moyen Âge, autour des cathédrales, la réflexion était liée à la transmission de connaissances traditionnelles, en vue de la perfection géométrique du tracé et de l'exécution précise de toutes les formes et parties de l'ouvrage. L'exécutant s'associait à l'ensemble de l'œuvre et, par-delà celle-ci, à l'harmonie universelle ; sa philosophie était contenue dans le geste. Maintenant le geste est signifié et non plus réel.
Il conserve cependant, à travers la mémoire des outils, le potentiel de l'Esprit qui animait la matière devenue symbole.
Cependant, le fondateur de la divination par le Tarot est Jean-Baptiste ALLIETTE alias ETTEILLA (1738-1791) occultiste français, resté célèbre pour avoir popularisé une forme de cartomancie désignée sous le nom de cartomancie et repris la théorie sur le Tarot d’Antoine COURT DE GEBELIN dans l'ouvrage suscité « Manière de se recréer avec le jeu de cartes nommées tarots » publié à Amsterdam en 1770.
La portée symbolique
Le Tarot peut paraître un simple divertissement, un jeu.
En réalité, chargé de pouvoir, il transmit puissance effective parce qu'une ration symbolique, sont un langage lui ; il fixe notre attention, nous force à regarder, à imaginer ; un monde inconnu surgit, se dévoile, provoquant une nouvelle vision.
C'est lames-archétypes éveille les forces de notre subconscient ; elles provoquent une rupture avec notre environnement habituel. Sa division crée un système d'images analogiques ; grâce à son faisceau de correspondance nous pourrons interpréter les cartes selon notre propre degré de connaissance.
Si le cas si on parle de varier selon les individus, selon leur conception personnelle ; elles aboutissent cependant à des résultats similaires car la lame, puissant dans les valeurs éternelles, éveilla même processus de réflexion chaque lettre.
La lame tarot tique ne fournit pas une vérité intangible et dogmatique : elle nous place sur le chemin d'une connaissance intérieure ; elle nous fournit la première lettre de l'analyse ; à nous de trouver la seconde lettre. Cela nous évoque la phrase rituelle maçonnique « Je ne sais ni lire ni écrire le jeu ne sait qu’épeler ; donnez-moi la première lettre je vous donnerai la suivante ».
Ce qui nous invite un cheminement initiatique progressif tel que les 33° du Rite Ecossais Ancien et Accepté nous le proposent.
« Je n'enseigne pas, j'éveille » disait l’écrivain Auguste DE VILLIERS DE L’ISLE-ADAM (1938-1889).
Cependant au Roger CAILLOIS écrit en préface à l’ouvrage d’Oswald WIRTH « Le Tarot des Imagiers du Moyen-Âge » (cf. annexes) : « on n'en finirait pas d'énumérer les enseignements superposés que les 22 figures majeures sont censées véhiculées. Il n'est pas de science conjecturale de doctrine ésotérique (astrologie, agitent mots aussi, alchimie, etc.) qu'il était mis à contribution pour en éclaircir (ou pour en épaissir) le mystère. Cette vue disparate a fait couler beaucoup d'encre. On n'y découvrit le langage hiéroglyphique universel. COURT DE GEBELIN y déchiffra les trésors de la sagesse traditionnelle. L'égyptomanie de la première moitié du XIXe siècle prétendit identifier les symboles en s’aidant du Zodiaque de DENDERAH. Les occultistes modernes, Eliphas LEVI, PAPUS, Stanislas DE GUAÏTA, Oswald WIRTH enfin, interprétèrent chaque détail et la couleur de chaque détail. Tout revêtit une signification cachée et initiatique ».
Oswald WIRTH a écrit concernant le Tarot : « C’est une véritable machine philosophique qui empêche l'esprit de ces carrés, tout en lui laissant son initiative sa liberté ; ce sont les mathématiques appliquées à l'absolu, c'est la l'Iran du positif à l'idéal, d'une loterie de pensée toute rigoureusement juste comme les nombres, c'est enfin peut-être ce que le génie humain a conçu tout à la fois de plus simple et le plus grand ».
Lorsque l'on se réfère à la tradition si bien définie par René guenon, les groupements maçonniques s'intéressent au symbolisme qui se dégage des 22 arcanes. Comme nous avons déjà pu nous en rendre compte, COURT DE GEBELIN ouvrit la voie, cependant fort critiqué pour ses théories égyptiennes qui s’avèrent chimériques ; Stanislas DE GUAÏTA, Oswald WIRTH et PAPUS donnent des valeurs plus reconnues.
D'autres auteurs interrogent symbolisme des lames en concordance avec la pensée maçonnique, en se référant la réflexion d'Oswald WIRTH : « Tous les symboles se tiennent. Celui des francs-maçons transposant allégories constructives les données initiatiques traduites en termes de métallurgie par l’alchimie. Le Tarot rattache la même tradition idéologique des images colorées choisies à l'étalage artistes populaires du Moyen Âge. La communauté d'ésotérisme autorisé dans le tarot masque uniquement ».
Oswald WIRTH insiste sur la « vitalité universellement corporisante », « l’âme des choses qui tend à nous dégager de la matière en nous élevant de spiritualisant ».
Chaque lame du Tarot de Marseille reçoit ainsi une explication plus ou moins ingénieuse par rapport aux rituels maçonniques. Mais je pense pour ma part que la symbolique maçonnique puise dans un symbolisme beaucoup plus vaste, plus général et qu'en réalité nous pouvions évoquer des symboles qui n’appartiendraient qu'à cet ordre ; ce serait d'ailleurs réduire la pensée traditionnelle et son rayonnement universel. Il ne faut pas trop vouloir prouver, mais il reste vrai que certains symboles figurent aussi bien dans la franc-maçonnerie que dans les tarots, tout comme dans d’autres traditions.
Sachant que de tarots sont stables, elles ne sont ni arbitraires ni hantises ; rien n'est laissé au « hasard ». Les cartes ne sont en elle-même ni bénéfique ni maléfique. Une carte-de fournir un sens général mais elle ne prend sa vraie valeur qu'en fonction des autres cartes qui l'entouraient lui donnent son véritable chance. La carte renversée, ou retourner, n'a pas obligatoirement une valeur négative : elle atténue les mérites et renseigne sur le comportement du consultant. Toutes les interprétations (tant symboliques que divinatoires) doivent être exprimées clairement, avec prudence et nuances ; elles doivent provoquer chez le consultant une prise de conscience qui devrait lui permettre de réagir ; mais sur la voie de la compréhension, chaque homme doit effectuer son travail intérieur ; la prise de conscience qui me le subconscient imaginaire.
Aperçu de numérologie
Pour l'Ecole Pythagoricienne (cf. ma planche sur le sujet présentée en loge en 6012) les nombres régissent le monde. Si l'univers et rythme, les rapports qui en découlent peuvent se transmettre de forme d'une figure harmonique, de nature vibratoire qui agit sur notre affectivité. Si le cosmos et nombre, on peut passer de l'harmonie des sons à celle des âmes selon l'échelle libératrice enseignée par le Maître de Samos. Proclus affirme : « le nombre le glorieux père des Dieux et des Hommes » et on identifie la cause première (la monade, l'unité) à Dieu. Ainsi chaque nombre possède des valeurs quantitatives et qualitatives qui lui confèrent une signification particulière dans l'ordre physique, métaphysique ou moral.
Carl Gustav JUNG dit que « le nombre est la forme d'expression la plus primitive de l'esprit » et qu'ainsi il contient toutes les connaissances humaines. Les nombres ne servent pas seulement à propos à compter ou à mesurer, ils opposent et ils concilient.
Or les lames des tarots portent un numéro souvent inscrit en caractères romains. Certaine la même possède une lettre hébraïque. Il est une relation entre ce nombre la valeur de la carte ? Nous parlerons du nombre en fonction de chaque arcane, mais il convient de donner dès à présent des indications générales quitte à conclure sur des études numériques particulières. La numérologie est étudiée à plusieurs reprises dans le présent travail, sur des plans différents de la Connaissance.
Nous évoquerons le nombre comme élément symbolique qui, par sa précision, son universalité, règle tous les éléments de la nature car il est essence de choses, de l'harmonie universelle que ce soit formes, sons, rythmes, actions… Pythagore affirme que le nombre ne manque pas, qu'il est vérité et il dit que : « tout est arrangé d'après le nombre ».
Cette langue de connaissance ne peut être développée ici, et je ne retiendrai que les principes mêmes, si richement évoqués par Raymond ABELLIO et quelques autres auteurs spécialisés (Cf. bibliographie).
Tout nombre est engendré par un, comme toute chose d’ailleurs.
Le MAT ou le FOU, se numérote selon les auteurs 22 ou 0, que faut-il en penser ?
Le ZERO est un point dilaté devenu le cercle, hiéroglyphe du Soleil, symbole du Céleste, de la Spiritualité, le carré étant le symbole du Terrestre, du Matériel (Rappelons-nous la Quadrature du Cercle et bien entendu l’Homme de Vitruve de Léonard De Vinci).
Le 22 contient tous les aspects de la création humanisée.
Le MAT est le jumeau du Bateleur, la lame n°1. Qu’il soit le zéro ou le 22 il le complète, il apporte la réponse au Bateleur, il est à la foi le commencement et la fin, l’alpha et l’oméga, on a là l’étymologie du mot symbole, issu du symbolum grec, deux pièces formant un ensemble, d’où le blanc et le noir du pavé mosaïque, le Yin et le Yang…
22 Arcanes majeurs.
Quant au 56, nombre des arcanes mineurs, par expansion théosophique on retrouve la somme de 1 + 3 + 6 + 15 + 21 avec les deux extrêmes des arcanes majeurs, le 1 et le 21.
Pour 78, qui est 22 + 56, on retrouve la somme citée plus haut des 12 premiers nombrés selon l’addition théosophique, et on fait alors aussitôt le rapprochement avec notre calendrier, les douze mois de l’année et par-delà l’astrologie et ses douze maisons zodiacales.
3, 7 et 12 ont aussi une grande importance dans le tarot.
Ainsi seules les 21 lames majeures sont numérotées, soit 3 X 7.
Les 56 arcanes mineurs sont le produit de 8 X 7.
Était-ce pour accorder une place privilégiée aux 7 planètes alors connues (Soleil, Lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne) ?
7 s’écrit aussi come l’addition 4 + 3, alors qu’ne les multipliant on obtient 3 X 4 = 12, « Manifestation de la Trinité aux quatre points de l’espace » comme l’écrit Michel RANDON dans « La tradition et le Vivant » (Editions Le Félin, 1985, p. 73). « La division de l’année en 4 saisons de 3 mois, correspond à douze signes du zodiaque et aux 12 demi-tons de l’octave. 12 et 7 sont des nombres sacrés. Ils sont l’un et l’autre le père et la mère des choses manifestées, alors que le 1 et le 3 expriment l’essence qui se fait substance ».
Quelques valeurs de nombres harmoniques
Dans l’Antiquité, la science des nombres était une sorte de langage universel, théorie qui se reliait à la musique ; Par son influx dynamique, sa périodicité, son ryhtme, ce système se reliait à celui de l’Univers et au Monde qui ne s’était pas encore révélé, le visible n’étant qu’une face de l’invisible.
La Kabbale
Nous venons de constater que 22, nombre des lames majeures, était également en général celui des lettres des alphabets et plus spécialement celui de l’alphabet hébraïque.
Le Tarot ne semble pas selon les historiens être d’une origine juive ésotérique mais on a affecté malgré tout une lettre à chacun des arcanes majeurs et certains auteurs y ont vu une possible correspondance entre els lames du Tarot et l’arbre des sephirot.
Le développement de ce concept devrait faire l’objet d’une planche à part entière qui lui serait exclusivement consacrée.
Rapprochements astrologiques
Il est difficile d’associer les 22 lames du tarot avec les 12 signes du zodiaque, il faudrait pour correspondre ne s’occuper que des 12 premières lames, ou n’avoir que 11 signes du zodiaque, voire en avoir 22.
OU alors, en prenant en compte le fait que les planètes Uranus, Neptune et Pluton n’ont été découverts que récemment, on pourrait comme on l’a déjà signalé plus haut ne considérer que 7 planètes et de ce fait avoir une relation de 7 X 3.
La lecture astrologique est donc peu fiable quant à l’apparition et l’utilisation du Tarot à des fins divinatoires.
Il existe aussi des correspondances de couleurs, des correspondances avec les quatre éléments selon les lames, avec les métaux connus au moyen âge...et même il existe une interprétation alchimique où selon FULCANELLI dans ses « Demeures Philosophales » le « Grand Œuvre alchimique se décompose en 21 étapes de purification de l’ELIXIR ».
Alchimie
Outre les 22 arcanes majeurs dont la description fera l’objet d’une seconde planche, je vais vous parler brièvement des 56 arcanes mineurs, 4 séries de 14 cartes chacune. Cartes numérotées de 1 à 10 avec en plus un Valet, un Cavalier, une Reine et un Roi. 4 couleurs : Cœur, Pique, Trèfle et Carreau souvent mais surtout Deniers, Epées, Coupes et Bâtons.
DENIER = PASSIF, VALET, élément TERRE, Apprentissage vers le Compagnonnage
EPEES = ACTIF, CAVALIER, élément AIR, Compagnonnage
COUPES = PASSIF, REINE, élément EAU, Maîtrise
BATONS = ACTIF, ROI, élément FEU, Maîtrise et au-delà…
Deniers = pièces d’argent (les métaux, le plomb… ?) dont il faut se séparer pour entrer en purification au sein du cabinet de réflexion ? Caverne, athanor, lieu d’introspection, pour devenir un apprenti…
Epées : au sortir de la Terre le postulant franc-maçon est élevé pénètre l’élément AIR, première épreuve subie dans le Temple selon le rituel initiatique du REAA, où il est confronté à un certain nombre d’embûches.
L’impétrant est menacé par les épées une première fois, portées par les Maîtres, avec une double signification : celle d’élan, de pénétration et d’élévation, ainsi que celle de défense et de protection, révélée dans un deuxième temps au profane.
Les coupes : contenant de la nature humaine, centre vital de l’Etre, à la fois le ventre où sera recueillie l’énergie qu’elle va élever jusqu’au niveau du cœur dont le contenu est le sang, principe de vie, mais aussi les passions, d’où le signe d’ordre.
Les bâtons sont le feu purificateur, transformateur, qui transmute : c’est le sens de la finalité des déplacements de tout néophyte dans sa marche vers la lumière. C’est le moyen de transcender l’intellect et les possibilités ou les difficultés que possède ou rencontre l’individu pour dominer et transcender la Matière grâce à l’esprit.
En conclusion, les quatre séries du Tarot correspondent à la totalité de l’Etre dans son corps (Deniers), ses actes (Epées), ses émotions (Coupes) et son esprit (Bâtons).
La fonction symbolique du Tarot
Je viens de présenter le tarot comme étant une démarche évolutive, en continu. Ce n’est qu’une prise de conscience de ce qu’il est. Mais comme dans tout jeu, l’aléatoire et le combinatoire font partie de ses fonctions ; ce sont aussi, dans une certaine mesure, celles du symbolisme. On peut en effet réfléchir sur le rôle de l’image et de sa portée symbolique. Chaque image comporte plusieurs sens de lecture appréciés en fonction des références propres à chacun.
Cependant le symbolisme est un langage de connivence qui est susceptible d’établir une relation entre la surface de l’Etre et ses motivations profondes.
Pour que le symbole germe, se développe et porte ses fruits, la personne doit s’engager.
Oswald WIRTH précise à ce propos : « Le Tarot nous convie à l’effort qui, dégageant notre esprit de l’emprise de la pensée d’emprunt, lui permet d’acquérir des idées qu’il ne devra qu’à lui-même » et plus loin de rajouter : « Le propre du symbolisme est de rester indéfiniment suggestif : chacun peut y voir ce que sa puissance visuelle lui permet de percevoir. Faute de pénétration, rien de profond n’est perçu » ce qui est tout à fait ce que disait Léonard De Vinci : « Regarde la Lumière, ferme l’œil et observe. Ce que tu as vu avant n’est plus, ce que tu verras ensuite n’est pas encore ».
Parlant de puissance visuelle, WIRTH entend ce terme au sens de visualisation intérieure et d’imagination active.
Son propos signifie aussi que rien, dans ce domaine, ne s’acquiert sans travail de réflexion. Cette puissance de visualisation peut se développer, s’éduquer, mais attention à ne pas prendre des vessies pour des lanternes, à ne pas s’illusionner.
Il faut donc rester lucide et acquérir le recul que peut donner la culture, l’étude, l’acquisition de référents…
Le but est l’individuation, chère à Carl Gustav JUNG et à moi-même, qui mériterait là aussi une planche à part entière.
A cette condition le Tarot peut être un instrument servant à affiner la connaissance de soi en libérant l’esprit des contraintes cartésiennes et en stimulant l’intuition, le détachement. Il peut ainsi permettre d’accéder à une pensée plus universellement créatrice.
Par l’enchaînement des effets, cela nous conduit à espérer pouvoir approfondir les plans de conscience jusqu’à percevoir l’informulé et peut-être, définir des potentialités mais sans doute pas de certitudes.
Divination, révélation, transmission…
Les hommes ont toujours cherché à comprendre leur destinée et ont utilisé toutes sortes de moyens pour interroger les dieux sur leur devenir.
Les tribus nomades ont de tout temps utilisé la symbolomancie et ils ont sans doute contribué à y inscrire des archétypes de l’humanité.
A partir du 17ème siècle, le Tarot leur offrait un matériau de choix et la cartomancie s’est répandue dans toute l’Europe.
Par le biais de ce symbole s’établit la relation entre la conscience et certaines motivations qui souvent nous échappent, et qu’il est parfois difficile de comprendre. En utilisant ou non le hasard il est possible de pénétrer alors, de manière effective, dans le domaine de la prescience ou de la divination, c’est-à-dire de la part de nous-mêmes qui nous échappe, parce que transcendante. Si nous laissons de côté le mode de pensée rationnel, fort utile dans notre vie quotidienne, si nous sommes certain que toutes les structures de l’Univers s’interpénètrent, « que tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut », c’est-à-dire que microcosme et macrocosme répondent aux mêmes lois et sont animés par les mêmes principes, si nous pensons que, comme dans un hologramme, chaque partie contient l’information du tout, pourquoi alors la mise en relation aléatoire d’éléments appartenant à une structure ne serait-elle pas porteuse de sens ? Mais ce n’est pas aussi simple car entre le conscient et l’inconscient viennent s’interposer toutes sortes de trames…
En projetant au niveau de la conscience l’univers intérieur de l’individu, le Tarot joue un rôle de miroir ; il s’agit d’un jeu de réflexions dans lequel le « moi » dialogue avec lui-même à travers le contenu symbolique de la carte.
En cela le Tarot diffère des cartes ordinaires car ses images constituées au cours des siècles empruntent leurs contenus aux sources mytho-allégoriques qui, elles-mêmes, reflètent les bases archaïques de la pensée humaine.
Personnellement, je suis convaincu que, si divination il y a, cela doit surtout marcher lorsque l’on se « tire les cartes » à soi-même.
La réalité et la nature de notre possible rapport entre l’homme et le divin ne peuvent être clairement définis par le raisonnement. N’oublions pas : « Le cœur à ses raisons que la raison ignore » selon Blaise PASCAL. Les questions en arrière-plan sont multiples : et tout d’abord l’homme est-il prédestiné ? La psychanalyse a changé la nature du problème en déplaçant le foyer des recherches : le « centre divin »devenant l’inconscient même, actif au sein de l’individu.
Chacun est alors responsable face à son destin, lequel résulterait en partie de l’attitude, de l’action, de la pensée et des choix au présent, même si dans ces faisceaux de possibles et de relations, les choix personnels sont en réalité extrêmement limités.
Tout acte de magie ou de prophétie ne peut être que suspect au regard d’un raisonnement logique, d’autant plus que les supercheries sont constantes en ce domaine.
L’exploitation qui en est faite quotidiennement de manière souvent répréhensible (sectes…) est aussi le résultat du refus d’étudier et de comprendre les fondements traditionnels de faits qui, pour ne pas être scientifiques au sens faussement cartésien, existent du moins en tant que phénomènes de société et concernant la psychologie de l’homme social.
Mais l’avenir est en partie fonction de nos choix dans le présent, il s’agit donc, aussi, de comprendre le « Ici et maintenant ».
Notre devenir, ou celui des évènements qui nous concernant, est en général fonction de nos aptitudes et de notre attitude face aux circonstances. Si le Tarot peut nous révéler une part de nos propres tendances, ou nous aider à les comprendre, son utilité en sera déjà évidente.
En fait il peut nous éclairer sur nous-mêmes et cela est déjà conséquent.
L’alchimiste et médecin Paracelse, au 1èème siècle, nous rappelle, à sa manière très poétique, que le monde st fait de structures toujours semblables du haut en bas, de l’extérieur à l’intérieur : « Le ciel intérieur de la créature humaine peut être autonome, à condition que par sa sagesse, qui est aussi savoir, il devienne semblable à l’ordre du monde, le reprenne en lui et fasse ainsi basculer dans son firmament intérieur, celui où scintillent les visibles étoiles ».
LES ARCANES MAJEURS DU TAROT
L'objet de la présente étude est d'attirer l'attention du lecteur sur quelques ressemblances singulières qu’on peut relever entre les arcanes majeurs du Tarot et les symboles de l'Astrologie, tels que nous les connaissons sous le voile des mythes gréco-latins.
Il ne s'agit point d'un essai d'interprétation des arcanes majeurs ; l'incertitude règne encore sur les origines du Tarot, sur les traits essentiels de ce monument, sur la signification de ses allégories et ce triple problème est trop ardu pour que nous osions en proposer une solution. Mais nous formons le vœu qu'il attire davantage l'attention des érudits et des archéologues. Les patients travaux de ceux-ci pourraient délimiter peu à peu les contours de la question, en préciser les termes et projeter quelques rayons de lumière à travers les nuages qui l'enveloppent.
I
Les exemplaires du Tarot que nous connaissons remontent au XVe siècle environ ; les personnages qu'ils représentent portent des costumes Renaissance. Un document positif prouve que ce jeu était connu en France dès 1392 : c'est un compte de l'argentier Poupart qui mentionne trois jeux de Tarots enluminés par jacquemin Gringonneur pour le divertissement du roi Charles VI (1). Merlin croit que ces images étaient imitées d'un modèle antérieur, probablement italien. Toujours est-il qu'on ne peut retrouver aucune trace certaine de l'existence des tarots antérieurement aux figures naïves que dessinaient les imagiers du moyen âge (2).
Les allégories figurées sur ces cartes remontent elles à une plus haute antiquité et d'où peuvent-elles venir ? Si l'on en croit l'opinion commune, elles auraient une lointaine origine ; mais les hypothèses formées à l'appui de cette idée diffèrent sensiblement entre elles et reposent sur des raisonnements par induction trop peu démonstratifs pour que l'une d'entre elles paraisse nettement préférable aux autres.
Le célèbre érudit Court de Gébelin déclare sans hésiter que le Tarot est égyptien. Les vingt-deux cartes, dit-il, se ramènent à vingt-et-une, puisque « le Fou » compte dans le jeu pour zéro. Or, vingt-et-un est un multiple de sept et nous savons que les Egyptiens vénéraient particulièrement le nombre sept. L'argument n'est point de ceux qui emportent la conviction et le lecteur demeure sceptique également lorsque Court de Gébelin déclare reconnaître dans les arcanes majeurs Isis et Osiris, Typhon, le grand hiérophante et autres symboles égyptiens. La conviction du savant Court de Gébelin paraît plus intuitive que raisonnée ; elle repose au fond sur l'idée que le Tarot devant être un livre initiatique et devant renfermer de profonds enseignements, seul un peuple de sages et d'initiés comme celui d'Egypte a pu le concevoir (3).
Le tireur de cartes Etteila, qui vivait au XVIIIe siècle, a renchéri sur l'idée de Court de Gébelin en appelant le Tarot « le livre de Thoth » et cette dénomination eut quelque succès.
Eliphas Lévi, le rénovateur de l'occultisme, affirme non moins catégoriquement que le Tarot est d'origine hébraïque. Les prêtres hébreux avaient coutume de consulter le sort ou la divinité au moyen de lames gravées de caractères symboliques qu'on appelait les Teraphim. Lorsque le souverain sacerdoce cessa en Israël, un sage, désireux de conserver ces mystères tout en les dérobant aux profanes, aurait gravé sur des cartes des allégories correspondant aux symboles des Teraphim(4).
Entre ces opinions extrêmes se placent les doctrines plus éclectiques de Papus et du Docteur Fugairon.
Papus enseigne que le Tarot vient de l'Inde, qu'il a été apporté dans l'Europe occidentale par les Bohémiens qui ne seraient qu'une tribu, dissidente émigrée ou expulsée de l'Inde. L'Inde aurait reçu elle-même ce monument de l'Egypte, ce qui nous ramène à la théorie de Court de Gébelin. D'autre part, les analogies du Tarot avec la Kabbale que signale E.Lévi s'expliqueraient par les origines égyptiennes de la Kabbale (5). La plupart des occultistes modernes ont adopté l'explication de Papus.
Pour le Docteur Fugairon, le Tarot serait un livre initiatique persan et les mages de Perse en auraient trouvé les symboles dans les doctrines de la Chaldée combinées avec celles de l'Egypte. Transmis par les Mages aux Hébreux, le Tarot aurait reçu en Palestine des influences de la Kabbale, puis il aurait été surchargé d'allégories gréco-latins par les juifs d'Alexandrie avant de pénétrer en France, en Italie et en Espagne (6).
Nous mentionnerons enfin l'opinion d’un auteur moderne qui étudia pendant plus de vingt ans la symbolique en général et celle du Tarot plus spécialement. Oswald Wirth déclare qu'il est impossible de remonter avec quelque précision dans l'histoire du Tarot au delà des documents du XIVe siècle, que les origines égyptiennes ou orientales de ce monument ne sont rien moins que prouvées et enfin que, si le Tarot offre une valeur symbolique, c'est le résultat d'une lente adaptation des types créés par les imagiers du moyen âge, d'une sorte de divination due à l'âme collective des foules (7).
Il est fort probable que les imagiers du moyen âge se sont inspirés de modèles plus anciens, mais en les adaptant à leur époque de telle sorte que rien ne permet d'en déceler l'origine. Certaines cartes du Tarot expriment des idées nettement chrétiennes, comme «le Pape » et « la Résurrection des morts ». Peut-être est-ce la figure nouvelle d'un symbole païen, mais on ne peut dire duquel a priori. Les costumes sont de l'époque Renaissance et nous croyons que les interprètes qui ont voulu reconnaître un ibis dans l'oiseau grossièrement dessiné sur, la carte 17 (les Etoiles) pour conclure à l’origine égyptienne du Tarot, ont été victimes de leur imagination.
Le rapprochement du Tarot avec d'autres monuments de l'antiquité pourrait nous éclairer si nous possédions des éléments de comparaison, mais il semble bien que ceux-ci soient rares ou fassent défaut. Suivant Court de Gébelin (8), il existerait un Tarot chinois. Vaillant (9) et Papus (10) en ont également parlé, mais sans le décrire. Ce Tarot se compose non de figures allégoriques, mais de caractères gravés sur des lames. Que signifient ces caractères ? Il serait intéressant de le savoir. Quant au nombre des lames, il est de 77, alors que nos Tarots occidentaux comptent 22 arcanes majeurs et 56 mineurs, soit 78 lames.
Le Dictionnaire de l'Art et de la Curiosité(11) reproduit onze figures d'un Tarot persan dont les lames en ivoire portent gravés des turbans, des sabres des casques, des couronnes et des cartouches avec des inscriptions. Le Tarot compterait cinquante cartes. Il ne paraît pas avoir fait l'objet d'études des spécialistes.
L'étymologie du mot «Tarot » n'a pas fourni aux chercheurs un fil d'Ariane qui leur permît de sortir du labyrinthe. Court de Gébelin la trouve dans deux racines égyptiennes qui seraient Tar, chemin et Ro ou Ros, royal : le chemin royal. Vaillant rapproche le mot de l'Astaroth hébreu ou de l'Ottara indien, qui désigne la Grande Ourse.
Eliphpas Lévi lit « kabbalistiquement » Tarot dans le monogramme du Christ formé d'un X et d'un P grecs enlacés entre l’A et l'O. D'autres auteurs prétendent qu'on appelait autrefois tares les points gravés sur les cartes (12).
II
La figure du monument que nous examinons est-elle au moins bien définie ? Il semble que oui. Nous connaissons les différences plus ou moins grandes qui séparent le Tarot de Court de Gébelin, le Tarot de Marseille, les Tarots italiens et les Tarots allemands.
Elles ne portent ni sur le nombre des cartes, ni sur leur dessin essentiel. Ces différents Tarots sont évidemment des copies d'un modèle primitif.
Mais quel est ce modèle primitif et quel degré d'authenticité peut-on lui accorder ? Les recherches faites par Merlin sur les jeux italiens qui auraient inspiré les imagiers français donnent un singulier intérêt à cette question, parce que le nombre et les symboles des cartes italiennes ne coïncident pas avec ceux des cartes du Tarot classique (13).
Dans le Tarotchino de Bologne, on compte 62 cartes dont 22 arcanes majeurs ou Tarots qui correspondent a ceux que nous connaissons.
Le jeu vénitien a 78 cartes, y compris les 22 Tarots classiques. Mais les Minchiate de Florence comptent 97 cartes dont 41 Tarots. Ceux-ci reproduisent les 22 symboles connus, avec quelques variantes, en y ajoutant les 4 vertus théologales, les 4 éléments et les 12 signes du Zodiaque. Enfin le jeu dit « jeu philosophique de Mantegna » ou. « cartes de Baldini » compte 50 Tarots rangés en cinq séries de 10 et se rapportant respectivement aux états de la vie, aux Muses et aux arts, aux sciences, aux vertus et au système du monde.
Il semble que les imagiers primitifs aient choisi lentement parmi les allégories multiples celles qui pouvaient le mieux convenir au Tarot, soit qu'on envisageât celui-ci comme un jeu de cartes, soit qu'on en fît un instrument de divination, et qu'ils aient déterminé le type actuel par une série de tâtonnements et de retouches.
Ces tâtonnements ont produit des variations du dessin parfois considérables. Eliphas Lévi cite des Tarots, qu'à la vérité nous ne connaissons pas, dans lesquels la carte 19, au lieu de figurer un soleil et deux enfants, représenterait soit une fileuse, soit un enfant monté sur un cheval blanc et déployant un étendard écarlate. Dans des limites plus restreintes, les modifications apportées aux détails d'une figure peuvent en modifier le sens allégorique. Nous prendrons comme exemple la carte 12, dite le « Pendu ».
Le Tarot de Marseille orne la tête du pendu d'une chevelure rayonnante, qui fait penser aussitôt à Apollon, et appuie sa potence sur deux arbres ayant chacun six branches coupées. Cela peut signifier le soleil au solstice d'hiver, au douzième mois de l'année. La même figure devient l'image d'un supplicié quelconque dans les Tarots italiens, parce que la chevelure est lissée et que les arbres sont remplacés par des poteaux droits.
A ces variantes qui paraissent résulter simplement d'un, travail peu soigneux du copiste, viennent s’ajouter les variantes voulues et systématiques de certains interprètes ; ici nous entrons dans le domaine de la fantaisie. Rappelons comment Court de Gébelin se trouvant embarrassé pour expliquer «le Pendu », n'imagina rien de plus simple que de retourner la carte, et de remettre le pendu sur ses pieds, ou plutôt sur un pied, l'autre demeurant en l'air. Cet artifice innocent lui permit de déclarer que «l'homme pendu par le pied » était en réalité « l'homme au pied suspendu », homo pede suspenso, symbole de la prudence.
Oswald Wirth a dessiné un Tarot remarquable comme exécution, mais corrigé de manière à illustrer les interprétations d'Eliphas Lévi. Par exemple, le Bateleur de la carte I doit avoir en main la baguette magique, et, sur la table, des deniers, une coupe et une épée, pour satisfaire au symbolisme du Tétragramme. Aucun de ces accessoires ne figure sur les Tarots classiques qui représentent au contraire très nettement un matériel de jongleur et d'escamoteur : dés, gobelets, noix, couteaux, etc... Le chapeau du Bateleur, qui est un chapeau quelconque, est contourné de manière à dessiner le signe algébrique 8 (horizontale) qui représente l'infini. Ce signe était-il connu au XIVe siècle avec cette signification ?
Papus est allé plus loin dans le domaine de l'imagination en dessinant un Tarot égyptien, avec des croix ansées, des scarabées des éperviers, des coiffures à cornes, etc., qui aurait fait le bonheur de Court de Gébelin. On doit lui reconnaître comme mérite artistique que certains corps de femme, notamment à la carte 17, sont d'un joli dessin.
Il existe aussi un Tarot d'Etteila, un Tarot de Mlle Lenormand, etc.
A côté des points d'interrogation que soulève le dessin des cartes, il en est d'autres qui ont trait à leur numérotage et à la légende qui les accompagne.
Le numérotage des cartes est-il invariable ? Court de Gébelin s'est demandé déjà s'il ne fallait pas renverser l'ordre numéral habituel. Les anciens Tarots de Bologne ou Venise placent « le Fou » avant le Bateleur, avec le numéro 0, tandis que nous lui assignons d'ordinaire le vingt et unième rang. Le Tarotchino de Bologne bouleverse l'ordre réputé classique en mettant la Tempérance au n° 8, la justice au n° 9, la Force au n° 10, la Roue de Fortune au n° 11, le Vieillard au n° 12, le Pendu au n° 13 la Mort au n° 14, le Monde au n° 20, et la Résurrection au n° 21.
Personne ne sait pourquoi les cartes sont numérotées dans un ordre plutôt que dans un autre, si cet ordre est arbitraire ou s'il constitue une série. Il ne se rapporte en tout cas ni aux règles du jeu de cartes, ni à la divination par le Tarot.
Les légendes des cartes varient peu. On voit cepandant apparaître dans les Minchiate de Florence l'empereur d'Orient et l'Empereur d'Occident à la place de l'Empereur et de l’impératrice (n°s 3 et 4). Le Monde (n° 22) devient la Renommée. La légende si incompréhensibe de la Maison-Dieu (n° 16) est remplacée par la Foudre dans le Tarotchino, de Bologne.
Toutes les légendes paraissent modernes ; A supposer que les dessins allégoriques du Tarot aient une origine lointaine, les imagiers les ont habillés de vocables ainsi que de costumes empruntés à leur époque. Le Bateleur et le Fou de Cour sont des personnages Renaissance. Le Pape et le Diable, le Jugement et l'Ermite supposent des croyances catholiques. Mais ces vocables ne sont que des traductions. Court de Gébelin rappelle quelques appellations traditionnelles des cartes qui ont une physionomie nettement orientale : le Mat pour le Fou ou le Pagad pour le Bateleur. Les autres sont vraisemblablement perdues.
III
Quelle est la symbolique du Tarot ? Ses allégories ont-elles des sens divers, sans cohésion ni suite, ou se rapportent-elles toutes à un même ordre de vérités, contiennent-elles un enseignement, forment-elles un livre secret aux feuillets mobiles ? Court de Gébelin et Etteila ont interprété ces symboles au hasard de leur imagination, sans aucune préoccupation systématique. Mais à partir d'Eliphas Lévi prévalut une autre conception qui eut un succès énorme et devint classique chez tous les occultistes modernes. Les 22 lames du Tarot seraient la représentation symbolique du sens secret des 22 lettres de l'alphabet hébreu. On retrouverait dans le livre de Thot les mystères de l'hiéroglyphisme primitif et, en combinant suivant des règles fixes les 22 lames, on développerait tous les arcanes de la science kabbalistique.
Une fois admis le système d'interprétation d'Eliphas Lévi, tous les auteurs se sont bornés à des développements et des commentaires de l'idée essentielle. Certains établissent des correspondances avec les dix Sephiroth. Barlet met en parallèle le Tarot et le Nuctéméron et s'en sert pour décrire les phases de l'initiation (14). Papus enfin s'efforce de trouver la clef même de ce symbolisme dans le fameux tétragramme qui contient les lois du mouvement quaternaire, de la génération des nombres, des idées et des formes et il construit un édifice aux proportions rigoureuses, aux perspectives géométriques où l'application d'une seule loi arithmétique donnerait la clef de tous les arcanes du Tarot, tant majeurs que mineurs.
Nous ne saurions entreprendre ici ni la critique, ni même l'examen détaillé de ce système d'interprétation qui nous a valu des travaux remarquables dus à des penseurs de haute valeur. Cela exigerait un long et minutieux travail, travail qui n'a jamais été fait. L'idée d'Eliphas Lévi a paru si simple et si belle aux chercheurs qu'ils l'ont adoptée d'enthousiasme sans songer à exiger des preuves solides de ses assertions. Or, il est facile, dans les études de symbolique, de forcer et de déformer le sens d'une allégorie ou d’un hiéroglyphe au point de se laisser guider inconsciemment par une idée préconçue.
Nous nous bornons ici à prétendre que l’interprétation classique du Tarot n’est point une chose dont l'exactitude soit certaine. Elle peut être vraie, elle peut être fausse, elle peut être erronée pour partie. Encore vaudrait-il la peine que la question fût étudiée de près et que les disciples ne se bornassent point à invoquer l’autorité du maître pour lever tous les doutes.
Le point délicat de toute la théorie est de déterminer exactement le sens hiéroglyphique des vingt-deux lettres de l'alphabet hébreu pour savoir si les images du Tarot sont en rapport avec elles. Nous craignons fort que beaucoup des partisans du système que nous examinons n'aient attribué aux vingt-deux lettres un sens purement fictif et imaginatif, choisi de telle sorte qu'il coïncidât avec le dessin correspondant.
Où trouver l'autorité qui déterminera ce sens hiéroglyphique ? On songe tout de suite au livre fondamental de la Kabbale qui traite du mystère des vingt-deux lettres, au Sepher Jesirah. De ce côté, la déception est complète. Il n'y a aucun rapport possible entre les correspondances que le Sepher Jesirah donne aux lettres hébraïques et les figures mystérieuses du Tarot. Par exemple la lettre Aleph symbolise l'atmosphère ou la poitrine de l'homme : la carte correspondante serait le Bateleur. La lettre Vau symbolise la tête, l'ouïe et la surdité : la carte correspondante serait l'Amoureux, etc...
Eliphas Lévi déclare donner le sens des lettres hébraïques tel que l'ont établi divers kabbalistes, mais sans dire lesquels. A chaque lettre correspondent, dans son travail, non pas une, mais six ou sept idées dérivées, parfois extrêmement dissemblables. Ainsi Aleph signifierait tout ensemble «l'Etre, l'esprit, l'homme ou Dieu, l'objet compréhensible, l'unité mère des nombres et la substance première». La lettre Quoph signifierait « les mixtes, la tête, le sommet, le prince du ciel ». On saisit à la vérité malaisément comment la carte dite le Soleil peut bien illustrer cet assemblage d'idées : l'analogie n'apparaît pas à l'esprit.
Papus détermine l'hiéroglyphisme des 22 lettres d'après Fabre d'Olivet qui est un savant dont l’opinion peut faire autorité. Mais il prend soin, presque toujours, d'ajouter au sens indiqué par Fabre d'Olivet un second ou un troisième sens dérivés dont celui-ci ne fait aucune mention et qui lui permettent d'arriver au sens de la lame qu'il examine. Donnons quelques exemples de cette méthode.
Lettre Beth, Fabre d'Olivet : « La bouche de l'homme, son habitation, son intérieur. » Papus : « La bouche, organe de la parole. Toute production émanée d'une retraite, enseignement, loi, gnose, kabbale. » Carte La Papesse.
Lettre Dzaïn Fabre d'Olivet : « Javelot, trait, flèche. » Papus « Flèche, arme, instrument pour dominer et vaincre, victoire.» Carte Le Chariot.
Lettre Heth, Fabre d'Olivet : « Champ, travail, effort. » Papus ajoute : «Pouvoir équilibrant, équilibre, justice. » Carte La Justice.
Lettre Lamed, Fabre d'Olivet : « Le bras de l'homme, l’aile de l’oiseau, tout ce qui s'étend et se déploie. » Papus : « Expansion ; l'expansion divine dans l’hurannité se fait par la loi révélée. La loi entraîne le châtiment, d'où châtiment. » Carte Le Pendu.
Lettre Mem, Fabre d'Olivet : « La Femme. Tout ce qui est fécond et formateur. » Papus ajoute que toute création nécessitant une destruction, le Mem peut symboliser la Mort. Carte La Mort.
Lettre Quoph, Favre d'Olivet : « Arme tranchante. » Papus en tire l'idée d'existence matérielle et de Vie universelle. Carte Le Soleil.
Lettre Schin, Fabre d'Olivet : « La partie de l'arc d'où s’élance la flèche ; c'est aussi le signe de la durée relative. » Papus rattache à ce sens celui « des satisfactions de la chair. » Carte Le Fou.
Nous croyons que ce bref aperçu suffira pour nous justifier auprès du lecteur d'avoir émis quelques doutes sur la valeur des concordances du Tarot avec l'alphabet hébreu. N'est-ce pas suivre la fantaisie de l'imagination que de considérer l'image de la Mort comme le symbole de la fécondité ou d'établir un Approchement entre le Soleil et une arme tranchante ? La vérité est que certains rapprochements de lames et de lettres sont plausibles : Aleph, qui désigne l'homme, peut se rapporter au Bateleur ; Caph, qui désigne la main qui serre, peut se rapporter à la Force, tandis qu'entre d'autres lettres et d'autres lames on ne saurait découvrir aucun rapport, même lointain et indirect.
Une autre considération encore mériterait d'attirer l'attention des chercheurs. On sait que la tradition des devins donne un certain sens à chaque carte du Tarot pour en déduire des oracles lorsqu’on combine les lames selon les règles de l'art. Ce sens a des chances d'être fort ancien, si le Tarot est vraiment un monument que l'antiquité nous a légué. Il se pourrait que ce sens fût, le sens véritable du dessin auquel il se rapporte. Or, il est intéressant de constater que la signification « divinatoire » des lames du Tarot diffère souvent de la signification classique et prétendue kabbalistique. Nous signalerons particulièrement le sens des lames suivantes (15) : Le Bateleur : Habileté, diplomatie, ruse. - L'Impératrice : Fécondité, génération. - L'Amoureux : Amour. - La Roue de fortune: Elévation. - La Tempérance : Métamorphose. - Le Diable : Force majeure.
IV
En dehors de l'interprétation kabbalistique, on pouvait imaginer d'autres explications systématiques du Tarot. Une de celles qui devaient se présenter à l'esprit le plus naturellement en appréciant un monument réputé très ancien était l'interprétation astronomique, astrologique ou mythologique. Certains auteurs ont pensé que le Tarot pourrait être une espèce de calendrier, mais sans retrouver la clef de sa construction.
Papus, dans la première édition de son ouvrage, signale l'analogie possible des arcanes Majeurs et du Zodiaque (16).
Le Docteur Fugairon, dans une étude très nourrie et pleine d'érudition, s'efforce de retrouver sous les 22 arcanes les symboles des planètes et des signes du Zodiaque (17). Malheureusement, au lieu de se laisser guider dans cette recherche par l'analogie, le Docteur Fugairon part de l'idée préconçue de l'interprétation kabbalistique et veut s’appuyer sur elle. Il divise donc les 22 lettres en trois groupes : les 3 mères, les 7 doubles et les 12 simples. Les premières, dont il semble un peu embarrassé, auront un sens général ou philosophique. Les secondes représenteront les 7 planètes ; les troisièmes les 12 signes du Zodiaque. En établissant les correspondances des cartes et des lettres, on arrive à établir les significations suivantes :
La Sagesse, la Lune ; l’impératrice, Vénus ; l'Empereur, Jupiter ; la Force, Mars ; le Jugement, Saturne ; les Etoiles, Mercure ; le Monde, le Soleil ; le Pape, le Bélier ; l'Amoureux, le Taureau ; le Chariot, les Gémeaux ; la Justice, le Cancer ; l'Ermite, le Lion ; la Roue de Fortune, la Vierge ; le Pendu, la Balance ; la tempérance, le Scorpion ; la Maison-Dieu, le Sagittaire ; le Diable, le Capricorne ; la Lune, le Verseau ; le Soleil, les Poissons.
A part deux ou trois coïncidences frappantes (Empereur = Jupiter ; Diable = Capricorne), le tableau dressé par le Docteur Fugairon est entièrement arbitraire et il ne pouvait en être autrement puisqu'il part d'une base a priori. Pour rechercher si le Tarot possède un sens astrologique, il faut laisser de côté l'hypothèse kabbalistique et se laisser guider par la signification directe des figures.
V
En jetant les yeux sur les vingt-deux arcanes du Tarot, après avoir fait abstraction du numérotage et des correspondances hiéroglyphiques habituellement admis, nous avons été frappés de constater que presque toutes les cartes offraient une analogie sensible et parfois extrêmement forte avec des symboles zodiacaux ou planétaires. Exposons ces ressemblances en commençant par les plus marquées.
Deux cartes attirent d'abord l'attention : le Soleil et la Lune. La première représente très exactement le Soleil dans le signe des Gémeaux. Un soleil radieux surplombe et éclaire de ses rayons un groupe de deux jeunes enfants, nus, enlacés, de même taille et se ressemblant.
La seconde désigne, non moins précisément, la Lune dans le signe du Cancer. Au bas du dessin se détache une écrevisse (ou Cancer), au milieu d'un ruisseau. Au-dessus figurent deux tours : symbole par lequel les Anciens désignaient les solstices, qui sont comme des bornes limitant la course du soleil (on sait que le signe du Cancer marque le solstice d'été). Près des tours, deux chiens. Court de Gébelin prétend que les Egyptiens symbolisaient les tropiques par des chiens ; à supposer vraie l'explication, ce serait un redoublement de l'idée exprimée par les tours. Au ciel brille la Lune, la Lune dont le domicile astrologique est précisément le signe du Cancer.
Pour ces deux premières figures, le sens astrologique apparaît évident et il fournit une explication autrement nette que les correspondances des lettres hébraïques.
Viennent ensuite sept cartes portant toutes un symbole zodiacal, qui constitue le détail, l'accessoire et non l'élément principal de la composition. Le signe est visible et reconnaissable, mais il n'est pas mis en évidence au premier plan. Ce sont :
La Force, où figure un Lion dont une jeune fille ferme la mâchoire.
Le Monde, représentant une Vierge nue qui court dans le cercle à quatre pôles de l'année (le signe de la Vierge marque le 6e mois ou le milieu de l'année).
La justice, portant au poing une Balance.
Le Feu du Ciel, qui correspondrait au Scorpion. Remarquons que le trait de foudre qui frappe la tour offre la forme du dard crochu qui termine et caractérise le signe du Scorpion. Remarquons aussi que le Scorpion, domicile de Mars nocturne, est un signe fatal qui signifie ruine et démolition. On peut même se demander si la carte ne déguiserait pas un jeu de mots, les Anciens appelant Scorpion certaines machines employées pour démolir les fortifications.
L'Amoureux, représentant Cupidon sous les traits d'un Sagittaire qui s'apprête à fixer d'une flèche le cœur de l'amoureux.
Le Diable, portant des cornes et orné de pieds de bouc qui représente exactement le Capricorne. Il tend deux chaînes, avec le concours de deux diablotins, pour marquer le Solstice d'hiver, comme les Tours de la Lune marquaient celui d'été.
L'Etoile, qui représente une déesse couronnée d'étoiles épanchant sur la terre fleurie le contenu de son urne. On reconnaît en elle l'allégorie classique du Verseau qui répand sur terre les fluides de la vie et ranime la nature endormie.
Trois cartes encore peuvent s'interpréter comme figurant des signes zodiacaux, mais l'analogie devient indirecte et vague.
La Tempérance offre une ressemblance certaine avec le signe des Poissons. Ce dernier est figuré sur les zodiaques par deux poissons rapprochés, dont un lien réunit les têtes. Le signe astrologique n'est que l'hiéroglyphe de ce dessin. Les deux vases semblables et allongés que réunit un jet de liquide, tels que le dessinateur du Tarot les a placés dans les mains de l'Ange de la Tempérance, reproduisent un schéma semblable à celui des Poissons zodiacaux.
La Roue de Fortune nous paraît désigner le Bélier, ou, mieux encore, l'équinoxe du printemps.
Une roue est en équilibre sous l'action de deux êtres fantastiques dont l'un monte tandis que l'autre descend, symboles de la vie qui apparaît et de la vie qui disparaît, de la force créatrice et de la force destructrice ; c'est le point d'équilibre entre l'été et l'hiver, le moment de l'égalité des jours et des nuits. La roue symbolise l'année ou l'écliptique : elle a six rayons divisés chacun en deux parties. Un animal couronné, sceptre en main, occupe au sommet de la roue le point équilibré. Il est difficile de dire quel est cet animal dont la figure est grossière. Etteila à voulu Y voir un singe et E. Lévi un sphinx. On pourrait aussi bien, si ce n'est mieux, y voir un Bélier.
Le Chariot serait le Taureau. Deux raisons militent en faveur de cette, interprétation. L'une est que des fleurs poussent sous le chariot du triomphateur, ce qui paraît indiquer qu'il s'agit d'un symbole du printemps (le Taureau correspond à Avril-Mai et est le domicile astrologique de Vénus).
L'autre est que le jeune triomphateur porte dans son équipement un détail insolite et caractéristique, à savoir un croissant de lune sur chaque épaule : or, en astrologie, le signe du Taureau est le lieu d'exaltation de la Lune. Nous ferons a propos des animaux qui traînent le char, la même remarque que pour le Bélier : ils sont naïvement dessinés et ressemblent au moins autant à des bovidés qu'à des chevaux ; rien ne s'oppose à ce que ce soient des taureaux. Sur le devant du char figure un écusson que la plupart des interprètes du Tarot remplacent par un linghuam. Si cette version est fondée, elle renforce notre interprétation, le linghuam signe d'amour et de fécondation, étant un symbole de la Vénus terrestre qui a son domicile dans le signe du Taureau.
Admettons pour un instant que les hypothèses que nous venons de formuler soient justes et que nous ayons retiré du Tarot douze cartes portant des symboles zodiacaux. Il nous reste dix cartes. Que peuvent-elles signifier ?
Ces dix cartes offrent certaines analogies qui permettent, de les grouper deux par deux, en cinq paires, savoir :
Le Pape et 1'Empereur. - La Papesse et l'Impératrice. Le Bateleur et le Fou. - L'Ermite et le Pendu. La Mort et la Résurrection.
Rappelons-nous que deux des sept planètes, les deux luminaires, le Soleil et la Lune, sont déjà figurées dans les douze cartes zodiacales. Rappelons-nous également qu'en Astrologie, chacune des cinq autres planètes a deux domiciles, le diurne et le nocturne, et que l'influence de la planète diurne n'a pas les mêmes qualités que celles de la planète nocturne.
L'idée se présente alors naturellement à l'esprit de chercher s'il existe un rapport entre les cinq planètes dans leurs dix domiciles et les dix cartes qui nous restent.
Le Bateleur est un symbole de Mercure diurne, dieu de l'habileté, de la ruse, du commerce, de l'éloquence et protecteur des charlatans.
Le Fou exprime l'influence mauvaise de Mercure nocturne qui fausse la raison et le cœur, qui fait les voleurs, les fous, les excentriques, les névrosés, etc.
La Papesse représente la Vénus diurne ou Vénus-Uranie, déesse de la Science, de la Sagesse, de l'Amour idéal.
L'Impératrice correspond à la Vénus nocturne ou Aphrodite, reine des hommes et des dieux par la puissance de l'Amour, créatrice des formes végétales et animales.
La Résurrection et la Mort sont les deux aspects de Mars diurne et nocturne, animateur et destructeur. Astrologiquement, Mars est un feu. Ce feu vital descend sur terre au printemps (Bélier) et réveille toute vie endormie, fait sortir les morts de leurs tombeaux. A l’automne (scorpion), le feu vital retourne au ciel en détruisant violemment les formes créées : c’est la mort de la nature. Remarquons que les mains et les têtes fauchées par la Mort sur la carte 13 du Tarot semblent pousser hors de terre, ce qui peut indiquer qu'il s'agit de productions végétales.
Le Pape et 1'Empereur, sont deux allégories de Jupiter diurne et de Jupiter nocturne, c'est-à-dire de la royauté spirituelle et de la royauté temporelle. La dernière ressemblance est si frappante que tous les interprètes du Tarot l'ont admise, de même que celle de Vénus-Uranie et celle de la Papesse.
L'Ermite exprime les qualités habituellement reconnues à l'influence de Saturne diurne : la sagesse, la prudence, la religiosité, l'isolement. Peut-être même faut-il voir dans le manteau et la lanterne du saint homme une allusion au fait que Saturne diurne correspond au Verseau, sort au mois de janvier, où il fait froid et où les jours sont courts.
Quant au Pendu, c'est une victime de Saturne nocturne, le grand maléfique qui menace les humains de catastrophes de mort, de supplices, de reversement des situations sociales. Mourir pendu est une fin saturnienne et mourir pendu la tête en bas est, si l’on peut dire, une fin deux fois saturnienne. Mais en outre du sens mythologique, l'allégorie du pendu a un sens astronomique fort précis. Qu’on veuille bien se rappeler que la maison nocturne de Saturne est le Capricorne qui correspond au solstice d'hiver, on saisira de suite que la principale victime de Saturne est le Soleil lui-même, arrivé sous son règne au point le plus bas de sa course, en quelque sorte renversé la tête en bas. Et on comprendra pourquoi le dessinateur du Tarot a donné au pendu la chevelure rayonnante de Phoebus et entouré son gibet de douze branches coupées. Depuis, la haute antiquité du Tarot est devenue en quelque sorte un dogme parmi les occultistes, alors cependant que l'archéologie a fait assez de progrès pour que toute illusion à cet égard soit désormais interdite aux investigateurs sérieux... En réalité, les Tarots du moyen âge, dont les originaux sont conservés à la Bibliothèque Nationale, représentent ce que nous possédons de plus ancien .
http://www.livres-mystiques.com/partieTEXTES/Rougier/table.html
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